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L'Enchanteur

La vie de Chateaubriand

François-René de Chateaubriand naît à Saint-Malo en septembre 1768, dernier d’une fratrie de quatre sœurs et un frère. Son père se démène pour restaurer la fortune d’une famille bretonne illustre tombée dans la pauvreté, sa mère lui préfère son frère aîné : on lui fiche une paix royale, et son enfance se passe à faire les quatre cents coups sur la plage avec les garnements de la ville. On l’envoie au collège, puis il revient dans sa famille qui s’est installée au château de Combourg. Il y passe une adolescence sauvage, solitaire et orageuse. En 1789, la Révolution éclate : il assiste avec deux de ses sœurs à la prise de la Bastille. François a 20 ans, pas d’argent, mais un grand appétit de lointain et d’aventures. Sur les conseils de Malesherbes, il s’embarque pour l’Amérique dans l’idée de découvrir le passage du Nord-Ouest. De Baltimore aux chutes du Niagara, il parcourt avec ravissement les grands espaces américains.

L'émigration

A son retour, il se marie, ou plutôt on le marie, et sa famille le pousse à combattre dans l’armée contre-révolutionnaire. La guerre est laide, il patauge dans la boue sans enthousiasme, et manque de mourir d’une vilaine blessure. A l’approche de 1793, la Révolution devient féroce. Il décide d’émigrer en Angleterre.

A Londres, Chateaubriand connaît vraiment la misère, tandis qu’en France, son frère et sa belle-sœur sont guillotinés, ses sœurs jetées en prison. Il habite dans un grenier, il a froid et il a faim. Mais déjà, il veut écrire. Il produit un Essai sur les Révolutions dans un esprit bien peu royaliste. L’ouvrage n’aura aucun succès.

Une carrière littéraire puis politique

1800. Bonaparte a pris le pouvoir et mis fin à la Révolution. François-René rentre en France après huit ans d’exil. Dans ses valises, il amène les brouillons d’Atala, de René, et du Génie du Christianisme. Ces ouvrages remportent un immense succès et font de Chateaubriand une célébrité. Napoléon lui donne un petit emploi à Rome, mais ça se passe mal. Après l’exécution du duc d’Enghien en 1804, c’est la rupture entre deux hommes qui s’estiment pourtant. Chateaubriand continue son œuvre littéraire, désespérant de jouer un jour un rôle politique à sa mesure. Et puis, il y a aussi les femmes, qui adorent cet enchanteur désenchanté. Lui ne peut vivre sans elles, mais les aime-t-il vraiment ? Elles lui rendent en tous cas de grands services, à l’image de Juliette Récamier qui entre dans sa vie peu après la chute de Napoléon.

A la Restauration, Chateaubriand est un peu négligé par le gros Louis XVIII qui ne l’aime guère. Soutenu par Juliette, il finit tout de même par obtenir l’ambassade de Berlin, puis de Londres, avant de devenir brièvement ministre des Affaires étrangères. Il avait déjà commencé ses Mémoires en 1810. Il les continue dans le fracas de l’Histoire, et y travaillera presque jusqu’à sa mort qui surviendra en juillet 1848.

Dans les bois de Combourg

« C’est dans les bois de Combourg que je suis devenu ce que je suis, que j’ai commencé à sentir la première atteinte de cet ennui que j’ai traîné toute ma vie, de cette tristesse qui a fait mon tourment et ma félicité. »

 

Mémoires d’outre-tombe

Chauffe, Marcel !

Chateaubriand et son temps

Né en 1768, Chateaubriand passe sa première jeunesse dans un monde quasi-féodal. Il voit la révolution éclater, Napoléon passer, les bourbons revenir, puis laisser place à un roi bourgeois, préfiguration de la République qui allait advenir en 1848, au moment de sa mort. Chateaubriand est le témoin de l’écroulement d’un monde, et de l’avènement progressif d’une société nouvelle.

Un homme d'imagination

François-René se rêvait homme d’action, profond politique, et il pesta toute sa vie contre les gouvernements qui ne l’employaient pas à sa juste valeur. Homme d’imagination avant tout, Chateaubriand eut une influence sur son temps d’abord par ses livres : Le Génie du christianisme a réellement joué sur le renouveau de la religion, De Buonaparte et des Bourbons contribua à légitimer Louis XVIII sur le trône après l’abdication de Napoléon.

L'idole des Français

« Une expérience journalière fait reconnaître que les Français vont instinctivement au pouvoir ; ils n’aiment point la liberté ; l’égalité seule est leur idole. »

 

Mémoires d’outre-tombe

Sa place dans l'histoire de la littérature

A un niveau littéraire, la Révolution et le premier empire sont la période la plus creuse de l’Histoire de France. Dans ce temps dominé par l’action, on peut se contenter de retenir trois écrivains : Germaine de Staël, Benjamin Constant, et Chateaubriand. Les trois sont dignes d’intérêt, mais Chateaubriand a sur eux un avantage considérable : il a créé un mouvement, il a inventé un style. Dans les Rêveries du promeneur solitaire, Jean-Jacques Rousseau avait jeté les prémisses d’un romantisme contemplatif, en clamant sa solitude et son amour de la nature. Mais c’est véritablement Chateaubriand qui inventera le romantisme français. Atala et René, ses premières œuvres, feront frissonner les lecteurs en déployant ce que l’on appellera au XIXe siècle le grand style. Avec lui, la poésie revient dans la littérature, non par les vers, mais par la prose.

Une influence immense

En France, peu d’écrivains ont eu une influence aussi puissante que Chateaubriand. Presque tout le XIXe siècle français -et surtout Victor Hugo, est inimaginable sans lui. Proust, Maurice Barrès, de Gaulle (s’il est permis de le citer comme écrivain) et même Julien Gracq et Aragon sont ses héritiers. Aujourd’hui, si ses romans ne sont plus lus, les Mémoires d’outre-tombe constituent toujours une mine inépuisable par la richesse de cette narration conjointe d’une vie et d’une époque.

Révolution littéraire

« En moi commençait, avec l’école dite romantique, une révolution dans la littérature française. »

 

Mémoires d’outre-tombe

Pourquoi Chateaubriand est un écrivain extraordinaire

Quand il parle de lui, Chateaubriand fait parfois rire, tant il se montre narcissique, -ce qui ne veut pas dire vaniteux. Mais on ne demande pas aux écrivains d’être des modèles de vertu et de désintéressement. On leur demande de nous charmer. Chateaubriand charme : on l’appelait l’enchanteur. Sensible avant tout à lui-même et à ses tourments intérieurs, il trouve dans la nature l’expression -ou la projection- de son âme :

« Levez-vous vite, orages désirés ! »

Mieux que personne, il sait rendre sensibles au cœur les soirs d’été, le temps qui passe, l’atmosphère d’une époque. Mais il n’est pas seulement le premier des romantiques. Nourri de littérature classique, de Saint-Simon et de Rousseau, Chateaubriand a plus d’une face. Il a un goût littéraire très sûr, et son lyrisme ne perd jamais le sens de la mesure. Si l’on veut employer une métaphore musicale, il met juste ce qu’il faut de reverb dans le son. Dosage subtil : trop, c’est vulgaire ; pas assez, c’est plat. Ses portraits sont percutants, ses jugements historiques sont d’une acuité frappante. Ses phrases sont des merveilles d’équilibre et de justesse, de grands drapés chatoyants, colorés, ou parfois noirs et blancs.

Extraits

Jeunesse

La Révolution

Napoléon

La nature

Le temps qui passe

L'Histoire et moi