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La vie de Marcel Proust

Une jeunesse mondaine

Marcel Proust est né en juillet 1871 à Paris, d’un père médecin et d’une mère issue de la bourgeoisie juive cultivée. Extraordinairement sensible et fragile, il grandit sous cloche dans une atmosphère feutrée, sous la terreur de crises d’asthme violentes qui menacent de l’emporter chaque année à l’arrivée du pollen. La vie de Proust ne sera pas celle d’un aventurier. Après ses études, il est introduit dans les salons parisiens de la haute bourgeoisie, écrit des chroniques mondaines dans le Figaro, commet un recueil de poèmes et de nouvelles, Les plaisirs et les jours, dont l’accueil par les critiques est si mauvais que Marcel provoquera en duel l’un d’entre eux, le redouté Jean Lorrain. Auprès des écrivains, il passe pour un rentier un peu snob ayant des velléités littéraires, intelligent mais sans étoffe.

L'immersion dans l'écriture

Son père meurt en 1903, sa mère en 1905. Pour Marcel, c’est un chagrin immense, et aussi peut-être une émancipation. A partir de là, il se met réellement au travail, s’enferme et commence l’œuvre qui deviendra A la Recherche du temps perdu. Dormant le jour, travaillant la nuit, aidé par sa servante Céleste Albaret recluse avec lui, il ne sortira plus que rarement et à des heures incongrues, ne vivant plus que pour son œuvre. Le premier tome, Du côté de chez Swann, paraît en 1913. Poursuivant son travail avec une ténacité extraordinaire, en sprint dans la dernière ligne droite, pressé par la maladie, Proust fera encore publier A l’ombre des jeunes filles en fleur, Du côté de Guermantes, Sodome et Gomorrhe. Épuisé par son travail et sa mauvaise santé, Marcel Proust meurt en 1922. Après sa mort paraîtront les derniers tomes de La Recherche : La prisonnière, Albertine disparue, Le Temps retrouvé.

Portrait parlé, par Jean Cocteau

Jean Cocteau se souvient de Proust qu’il a bien connu dans sa jeunesse…

 

Proust et son temps

Même s’il évoque des événements incontournables de son temps comme l’affaire Dreyfus, ou la guerre de 14, Marcel Proust n’est pas une conscience de son temps comme a pu l’être Zola par exemple : il ne cherche pas non plus à faire une fresque des différentes classes de la société, comme Balzac. Ni réaliste, ni symboliste, ni parnassien, ni décadent, comment rattacher Proust à son temps ?

Une œuvre inclassable

Ne se situant dans aucune catégorie romanesque connue, le manuscrit de Du côté de chez Swann, arrivant chez l’éditeur Fasquelle, suscita l’incompréhension du rapporteur (un certain Jacques Madeleine, ça ne s’invente pas !) : « Au bout des sept cent douze pages de ce manuscrit (…), après d’infinies désolations d’être noyé dans d’insondables développements et de crispantes impatiences de ne jamais pouvoir remonter à la surface -on n’a aucune, aucune notion de ce dont il s’agit. Qu’est-ce que tout cela vient faire ? Qu’est-ce que tout cela signifie ? Où tout cela veut-il mener ? -Impossible d’en rien savoir ! » Soyons justes : c’est une impression que nous pourrions encore éprouver aujourd’hui à la lecture de Proust.

Mais les fins lecteurs eurent tôt fait de comprendre le projet ambitieux de Proust et de pressentir que l’ensemble allait donner un sens aux parties. De plus en plus soutenu et reconnu, il obtint le prix Goncourt en 1919 pour A l’ombre des jeunes filles en fleur. Le cours de l’histoire allait ensuite montrer quelle voie il avait ouvert en littérature.

Une vision du monde sans concession

Emmanuel Berl raconte comment Proust tâchait de lui inculquer sa vision du monde…

 

Sa place dans l'histoire de la littérature

Si le premier moment de la réception de Proust fut caractérisé par l’incompréhension, on prit rapidement conscience qu’il ouvrait de nouveaux chemins dans la littérature. De fait, l’œuvre de Proust est devenue l’une des plus étudiée au monde et sa notoriété est allée croissant, sans période de purgatoire ou même de désintérêt (comme a pu connaître Gide), jusqu’à symboliser la littérature française au XXe siècle pour un lecteur étranger.

A quoi se rattachait-il et quel mouvement a-t-il pu fonder ? La fin du XIXe siècle se signalait par une profusion de chapelles littéraires se combattant : réalistes, néo-réalistes, parnassiens, symbolistes, décadents, etc. Mais La Recherche ne se tient pas dans les limites d’un seul mouvement, d’autant qu’elle mobilise plusieurs genres, étude de mœurs, mémoires, roman psychologique. En fait, c’est notre époque littéraire contemporaine qu’elle inaugure dans cette fusion des genres, par ailleurs débarrassée d’une intrigue devenue très accessoire chez Proust, assumant le fait que l’objet de la littérature et de l’art en général est non de distraire, mais de donner à voir et à sentir la vie dans sa vérité, de concentrer notre regard précisément là où notre paresse, nos habitudes et les conventions le détournent.

Pourquoi Proust est un écrivain extraordinaire

Indépendamment de son importance historique, Proust est un écrivain tout à fait exceptionnel. Sa phrase, en effet, étend largement ses filets comme pour ne rien perdre de la sensation ou de la réflexion. Elle se déploie en tournoyant, pleine d’incises et de parenthèses, pour rendre toutes les nuances de la pensée et de la perception du narrateur, et nous fait découvrir, par approfondissements successifs, en nous sortant de nos habitudes de pensée, de nouvelles dimensions au réel.

D’autre part, sa pénétration psychologique et sa puissance d’évocation sont si fortes qu’il nous donne le sentiment de faire partie du monde qu’il décrit, et de connaître les personnages jusque dans leurs replis les plus intimes. Enfin, mis à part Flaubert auquel il doit tant, aucun auteur n’est plus focalisé que Proust à la fois sur le détail et sur l’ensemble, en construisant des rapprochements, des effets de rappel ou de symétrie parfois d’un bout à l’autre de l’œuvre.

Altitude

« Et, comme un aviateur qui a jusque-là péniblement roulé à terre, « décollant » brusquement, je m’élevais lentement vers les hauteurs silencieuses du souvenir. »

 

Le Temps retrouvé

Le mot de la fin

Céleste Albaret, servante de Proust, raconte la fin du travail de l’écrivain.

 

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Les témoignages audio proviennent tous du documentaire de Roger Stéphane : Proust : portrait-souvenir (1962)

Extraits