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A Louise Colet

 

 

 

Pendant qu’il écrivait Madame Bovary, Flaubert avait une petite amie parisienne, Louise Colet. Tout à son travail, reclus dans sa tanière, il la voyait très peu. Du coup, il lui écrivait très souvent. Bonne nouvelle pour nous ! Car nous pouvons voir en lisant ces lettres l’écrivain au travail.

 

 

Le 22 juillet 1852,

 

Je suis en train de recopier, de corriger et raturer toute ma première partie de Bovary. Les yeux m’en piquent. Je voudrais d’un seul coup d’œil lire ces cent cinquante-huit pages et les saisir avec tous leurs détails dans une seule pensée. Ce sera de dimanche en huit que je relirai tout à Bouilhet et le lendemain, ou le surlendemain, tu me verras. Quelle chienne de chose que la prose ! Ça n’est jamais fini ; il y a toujours à refaire. Je crois pourtant qu’on peut lui donner la consistance du vers. Une bonne phrase de prose doit être comme un bon vers, inchangeable, aussi rythmée, aussi sonore. Voilà du moins mon ambition (il y a une chose dont je suis sûr, c’est que personne n’a jamais eu en tête un type de prose plus parfait que moi ; mais quant à l’exécution, que de faiblesses, que de faiblesses mon Dieu !). Il ne me paraît pas non plus impossible de donner à l’analyse psychologique la rapidité, la netteté, l’emportement d’une narration purement dramatique. Cela n’a jamais été tenté et serait beau. Y ai-je réussi un peu ? Je n’en sais rien. À l’heure qu’il est je n’ai aucune opinion nette sur mon travail. (…)

 

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