French literature

Salammbô

 

 

In this novel, Flaubert, after having done a lot of research, after having smoked pipes for a very long time on his sofa, conjures up ancient Carthage: battles, lions, warlords, a woman devoted to worship… After the Norman greyness of his previous novel (Madame Bovary), he needed to refresh his soul in a more colourful world.

The first sentence has remained very famous. Full of assonance, which Flaubert sought to eliminate everywhere else, it sounds like an apostrophe to the reader…

 

 “It was at Megara, a suburb of Carthage, in the gardens of Hamilcar.

The soldiers whom he had commanded in Sicily were having a great feast to celebrate the anniversary of the battle of Eryx, and as the master was away, and they were numerous, they ate and drank with perfect freedom.

The captains, who wore bronze cothurni, had placed themselves in the central path, beneath a gold-fringed purple awning, which reached from the wall of the stables to the first terrace of the palace; the common soldiers were scattered beneath the trees, where numerous flat-roofed buildings might be seen, wine-presses, cellars, storehouses, bakeries, and arsenals, with a court for elephants, dens for wild beasts, and a prison for slaves.

Fig-trees surrounded the kitchens; a wood of sycamores stretched away to meet masses of verdure, where the pomegranate shone amid the white tufts of the cotton-plant; vines, grape-laden, grew up into the branches of the pines; a field of roses bloomed beneath the plane-trees; here and there lilies rocked upon the turf; the paths were strewn with black sand mingled with powdered coral, and in the centre the avenue of cypress formed, as it were, a double colonnade of green obelisks from one extremity to the other.

Far in the background stood the palace, built of yellow mottled Numidian marble, broad courses supporting its four terraced stories. With its large, straight, ebony staircase, bearing the prow of a vanquished galley at the corners of every step, its red doors quartered with black crosses, its brass gratings protecting it from scorpions below, and its trellises of gilded rods closing the apertures above, it seemed to the soldiers in its haughty opulence as solemn and impenetrable as the face of Hamilcar.

The Council had appointed his house for the holding of this feast; the convalescents lying in the temple of Eschmoun had set out at daybreak and dragged themselves thither on their crutches. Every minute others were arriving. They poured in ceaselessly by every path like torrents rushing into a lake; through the trees the slaves of the kitchens might be seen running scared and half-naked; the gazelles fled bleating on the lawns; the sun was setting, and the perfume of citron trees rendered the exhalation from the perspiring crowd heavier still.”

 

 

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 « C’était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d’Hamilcar.

Les soldats qu’il avait commandés en Sicile se donnaient un grand festin pour célébrer le jour anniversaire de la bataille d’Éryx, et, comme le maître était absent et qu’ils se trouvaient nombreux, ils mangeaient et ils buvaient en pleine liberté.

Les capitaines, portant des cothurnes de bronze, s’étaient placés dans le chemin du milieu, sous un voile de pourpre à franges d’or, qui s’étendait depuis le mur des écuries jusqu’à la première terrasse du palais ; le commun des soldats était répandu sous les arbres, où l’on distinguait quantité de bâtiments à toit plat, pressoirs, celliers, magasins, boulangeries et arsenaux, avec une cour pour les éléphants, des fosses pour les bêtes féroces, une prison pour les esclaves.

Des figuiers entouraient les cuisines ; un bois de sycomores se prolongeait jusqu’à des masses de verdure, où des grenades resplendissaient parmi les touffes blanches des cotonniers ; des vignes, chargées de grappes, montaient dans le branchage des pins ; un champ de roses s’épanouissait sous des platanes ; de place en place sur des gazons se balançaient des lis ; un sable noir, mêlé à de la poudre de corail, parsemait les sentiers, et, au milieu, l’avenue des cyprès faisait d’un bout à l’autre comme une double colonnade d’obélisques verts.

Le palais, bâti en marbre numidique tacheté de jaune, superposait tout au fond, sur de larges assises, ses quatre étages en terrasses. Avec son grand escalier droit en bois d’ébène, portant aux angles de chaque marche la proue d’une galère vaincue, ses portes rouges écartelées d’une croix noire, ses grillages d’airain qui le défendaient en bas des scorpions, et ses treillis de baguettes dorées qui bouchaient en haut ses ouvertures, il semblait aux soldats, dans son opulence farouche, aussi solennel et impénétrable que le visage d’Hamilcar.

Le Conseil leur avait désigné sa maison pour y tenir ce festin ; les convalescents qui couchaient dans le temple d’Eschmoûn, se mettant en marche dès l’aurore, s’y étaient traînés sur leurs béquilles. À chaque minute, d’autres arrivaient. Par tous les sentiers, il en débouchait incessamment, comme des torrents qui se précipitent dans un lac. On voyait entre les arbres courir les esclaves des cuisines, effarés et à demi nus ; les gazelles sur les pelouses s’enfuyaient en bêlant ; le soleil se couchait, et le parfum des citronniers rendait encore plus lourde l’exhalaison de cette foule en sueur. »

 

 

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