Note conjointe
Extrait.
On se rendait bien compte, vaguement, obscurément, que le présent est difficile à connaître. Alors on se disait : « C’est pas la peine de se donner tant de mal. (On se dit toujours que ce n’est pas la peine de se donner tant de mal.) Tout à l’heure il va être passé. Alors on le saisira avec toutes les tenailles que l’histoire nous a données pour l’appréhension et pour la connaissance du passé.
Tout est là. Dans ce glissement. Dans ce glissement que l’on recommençait toujours. Dans ce perpétuel glissement.
Les sciences de l’histoire ont fait de tels progrès depuis cent ans et peut-être depuis toujours qu’elles sont devenues comme une immense usine. À triturer le passé. Et c’est même, sauf le respect que je vous dois, une usine de conserves. Elles ont des méthodes, elles ont des chaudières, elles ont des tubulures, elles ont des magasins. Enfin tout ce qu’il faut.
Et c’est même proprement une usine frigorifique.
Car elles ne conservent que par le froid.
(Aussitôt que la chaleur reviendrait, la vie serait capable de revenir.)
Moyennant quoi elles apportent des sécurités, des certitudes, des tranquillités comme on n’en vend pas dans les maisons d’en face.
(Les maisons d’en face ce n’est plus que nous : (la foi), la théologie, la philosophie, la métaphysique, la morale, la civique, l’économique, la poétique, les arts plastiques et les arts musiciens ; la réalité, quoi.)
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Charles Péguy, Note Conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne (posthume).
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