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Une passion ardente

 

Au XXe siècle, on a réduit l’image de George Sand à « la bonne dame de Nohant », écrivant des romans régionalistes et faisant des confitures pour ses petits-enfants. Mais George Sand était aussi une ardente révolutionnaire, et dans sa jeunesse, une jeune femme romantique au cœur incandescent. Témoin cet extrait de son journal, après sa rupture avec Alfred de Musset.

 

 

Quel est ce feu qui dévore mes entrailles ? Il semble qu’un volcan gronde au dedans de moi, et que je vais éclater comme un cratère. O Dieu, prends donc pitié de cet être qui souffre tant ! Pourquoi les autres meurent-ils ? Pourquoi ne puis-je succomber sous le fardeau de mes peines ? On dit que la douleur s’épuise et qu’à force de saigner, le cœur se dessèche et devient insensible. Quand sera-ce, mon Dieu, que je ne le sentirai plus frémir et se déchirer ?

O mes yeux bleus, vous ne me regarderez plus ! Belle tête, je ne te verrai plus t’incliner sur moi et te voiler d’une douce langueur ! Mon petit corps souple et chaud, vous ne vous étendrez plus sur moi (…) Adieu mes cheveux blonds, adieu mes blanches épaules ; adieu tout ce qui était à moi. J’embrasserai maintenant, dans mes nuits ardentes, le tronc des sapins et les rochers dans les forêts en criant votre nom, et, quand j’aurai rêvé le plaisir, je tomberai évanouie sur la terre humide !

 

 

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George Sand, Journal intime, novembre 1834