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« L’amour, n’est-ce que ça ? »

 

 

 Extrait de Lamiel, roman inachevé.

 

Lamiel est une jeune fille élevée à la campagne dans un milieu modeste. Curieuse et intelligente, pleine de caractère, elle cherche à connaître l’amour. Méprisant les préjugés de son temps, elle paye un jeune paysan pour en savoir plus et connaître l’amour physique, objet de tous les interdits et chargé d’une importance morale considérable en ce temps.

 

« Le lendemain, elle trouva Jean dans le bois, il avait ses habits des dimanches.

— Embrasse-moi, lui dit-elle.

Il l’embrassa. Lamiel remarqua que, suivant l’ordre qu’elle lui en avait donné, il venait de se faire faire la barbe ; elle le lui dit.

— Oh ! c’est trop juste, reprit-il vivement, mademoiselle est la maîtresse ; elle paye bien et elle est si jolie !

— Sans doute, je veux être ta maîtresse.

— Ah ! c’est différent, dit Jean d’un air affairé ; et alors sans transport, sans amour, le jeune Normand fit de Lamiel sa maîtresse.

— Il n’y a rien d’autre ? dit Lamiel.

— Non pas, répondit Jean.

— As-tu eu déjà beaucoup de maîtresses ?

— J’en ai eu trois.

— Et il n’y a rien d’autre ?

— Non pas que je sache ; mademoiselle veut-elle que je revienne ?

— Je te le dira d’ici à un mois ; mais pas de bavardages, ne parle de moi à personne.

— Oh ! pas si bête, s’écria Jean Berville. Son œil brilla pour la première fois.

« Quoi ! l’amour, n’est-ce que ça ? se disait Lamiel étonnée ; il vaut bien la peine de le tant défendre. Mais je trompe ce pauvre Jean : pour être à même de se retrouver ici, il refusera peut-être du bon ouvrage. » Elle le rappela et lui donna encore cinq francs. Il lui fit des remerciements passionnés.

Lamiel s’assit en le regardant s’en aller. (Elle essuya le sang et songea un peu à la douleur.)

Puis elle éclata de rire en se répétant : « Comment, ce fameux amour ce n’est que ça ! » »

 

 

***