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Sermon des cinquante

 

Voltaire a pris un soin extrême à faire croire qu’il n’était pas l’auteur de cet opuscule paru en 1762, au moment de l’affaire Calas. Et pour cause : le Sermon des cinquante est un libelle extrêmement violent dirigé contre le christianisme, sans ménagement ni compromis.

 

Il n’y a pas un seul historien contemporain qui ait seulement parlé de Jésus et de ses apôtres. Avouez que vous soutenez des mensonges par des mensonges ; avouez que la fureur de dominer sur les esprits, le fanatisme et le temps ont élevé cet édifice qui croule aujourd’hui de tous côtés, masure que la raison déteste, et que l’erreur veut soutenir.

Au bout de trois cents ans, ils viennent à bout de faire reconnaître ce Jésus pour un dieu ; et, non contents de ce blasphème, ils poussent ensuite l’extravagance jusqu’à mettre ce dieu dans un morceau de pâte ; et tandis que leur dieu est mangé des souris, qu’on le digère, qu’on le rend avec les excréments, ils soutiennent qu’il n’y a pas de pain dans leur hostie, que c’est Dieu seul qui s’est mis à la place du pain, à la voix d’un homme. Toutes les superstitions viennent en foule inonder l’Église ; la rapine y préside ; on vend la rémission des péchés, on vend les indulgences ainsi que les bénéfices, et tout est à l’enchère.

Cette secte se partage en une multitude de sectes : dans tous les temps on se bat, on s’égorge, on s’assassine. À chaque dispute, les rois, les princes, sont massacrés.

Tel est le fruit, mes très chers frères, de l’arbre de la croix, de la potence qu’on a divinisée.

Voilà donc pourquoi on ose faire venir Dieu sur la terre ! Pour livrer l’Europe pendant des siècles au meurtre et au brigandage. Il est vrai que nos pères ont secoué une partie de ce joug affreux : qu’ils se sont défaits de quelques erreurs, de quelques superstitions ; mais, bon Dieu, qu’ils ont laissé l’ouvrage imparfait !

 

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Extrait du Sermon des cinquante de Voltaire (1762).