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Il y a

 

Engagé volontaire dans la première guerre mondiale, Guillaume Apollinaire s’éprit d’une aventurière avide de plaisirs, de drogues, de sensations fortes, l’une des première aviatrices en France, Louise de Coligny. Tout en vivant avec lui une passion charnelle intense, Louise signifia à Guillaume qu’elle ne l’aimerait jamais. Le poète lui écrivit des lettres brûlantes, et des poèmes dans les lettres, que l’on publia plus tard sous le titre : Poèmes à Lou.

 

Il y a des petits ponts épatants

Il y a mon cœur qui bat pour toi

Il y a une femme triste sur la route

Il y a un beau petit cottage dans un jardin

Il y a six soldats qui s’amusent comme des fous

Il y a mes yeux qui cherchent ton image

Il y a un petit bois charmant sur la colline

Et un vieux territorial pisse quand nous passons

Il y a un poète qui rêve au ptit Lou

Il y a un ptit Lou exquis dans ce grand Paris

Il y a une batterie dans une forêt

Il y a un berger qui paît ses moutons

Il y a ma vie qui t’appartient

Il y a mon porte-plume réservoir qui court, qui court

Il y a un rideau de peupliers délicat, délicat

Il y a toute ma vie passée qui est bien passée

Il y a des rues étroites à Menton où nous nous sommes aimés

Il y a une petite fille de Sospel qui fouette ses camarades

Il y a mon fouet de conducteur dans mon sac à avoine

Il y a des wagons belges sur la voie

Il y a mon amour

Il y a toute la vie

Je t’adore

 

 

Entre Bar-sur Aube et Troyes, le 5 avril 1915