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Cette photographie de Janine Niepce montre un quartier pauvre et vivant, à l’opposé du Montmartre actuel, ruche à touristes. Sur cette image, les interactions entre les personnages pourraient être le point de départ d’une nouvelle de Marcel Aymé !

Montmartre

Ou « la butte ». Marcel Aymé reste l’un des meilleurs évocateurs du Montmartre du début du siècle, à l’atmosphère de village, peuplé d’artistes, d’écrivains, de clochards et de petits-bourgeois. On retrouve cet univers notamment dans Avenue Junot (avec une formidable évocation de Louis-Ferdinand Céline), dans Le Passe-Muraille ou dans La Bonne Peinture. Marcel Aymé est au fond de l’âme un écrivain provincial, et Montmartre lui fournit ce qu’il faut de province à Paris : une vie de quartier, des rencontres au marché, les potins de la rue, des personnages souvent fantasques mais sans ambition sociale.

Au delà de Montmartre, c’est le Paris populaire du milieu du siècle que Marcel Aymé ressuscite. Il le fait sans misérabilisme ni mépris, avec une lucidité teintée de tendresse.

Le Jura

La campagne de Marcel Aymé, c’est d’abord la Franche-Comté et ses paysans. À rebours des clichés véhiculés souvent par la littérature française, qui met le paysan ou très haut ou très bas, Marcel Aymé décrit avec une grande finesse ce monde complexe et étrange où les maisons sont presque des personnes à part entière et où les sentiments tus éclatent soudainement avec une violence tragique.

Ses paysans parlent non comme des bourgeois (chez Victor Hugo par exemple) ou des héros d’Homère (Jean Giono), mais comme des paysans, de leur temps et de leur région. Ils n’emploient pas les mêmes mots, mais surtout, leur discours est structuré différemment, avec notamment ce sens de la digression et ces parenthèses dans les parenthèses qui peuvent désorienter le lecteur non averti ! (Voir les nouvelles « Le Vin de Paris », « Les chiens de notre vie »)

Grand-père !

« Toute la nuit, passant d’un café à un autre, la bande battit le pavé des rues hautes de la Butte.

« Grand-père, où es-tu ? criait la Girafe. Grand-père, réponds-moi ! »

Et les copains, non moins ivres que la Girafe et irrités de la carence du grand-père, criaient en choeur après elle. 

« Tu t’es encore saoulé la gueule ! Montre-toi, vieux sac à vin ! » »

 

La Bonne Peinture

Marcel Aymé aimait beaucoup les illustrations de Nathalie Parain. Il lui écrit en décembre 1940 : « Je n’écris plus un Conte du chat perché sans penser à vos dessins, si bien que vous êtes maintenant responsable du texte et des illustrations. »

Le merveilleux

L’irruption du surnaturel dans une vie individuelle ou collective bien réglée est souvent l’élément perturbateur des récits de Marcel Aymé. Les personnages seront-ils saisis par la grâce ou bien indifférents au miracle ? Avec un réalisme désopilant, l’auteur montre que les évènements ou les pouvoirs magiques sont exploités à la mesure exacte des préoccupations du bénéficiaire, et qui le plus souvent sont médiocres ou prosaïques (« Le Passe-Muraille », « La bonne peinture »).

Il y a un autre merveilleux chez Marcel Aymé. Vivant naturellement dans un univers magique où l’imaginaire est aussi présent que le réel, les enfants (et les alcooliques) sont des personnages privilégiés par l’auteur qui les fait vivre en compagnie d’adultes bornés et terre-à-terre. Le merveilleux de l’enfance, tel qu’il est décrit dans Les Contes du Chat perché et dans bien d’autres recueils de nouvelles, ce n’est pas un plan imaginaire superposé à la réalité, mais un monde entièrement animé : tout est vivant, tout est plein d’âmes.

Le désir

En particulier, le désir féminin. C’est un point de vue assez rare à l’époque et que l’on retrouve de manière sous-jacente ou explicite dans nombre de ses récits et pièces de théâtre, de manière burlesque (La dévorante dans La Vouivre), plus approfondie dans Les Tiroirs de l’Inconnu ou dans la nouvelle « En attendant », humoristique avec La Jument Verte.

Mettre en scène le désir des femmes, leur appétit sexuel, dans un temps où le sens des convenances était si important, amusait certainement beaucoup Marcel Aymé !

 

Prière

« Sainte Marie, Mère de Dieu, laissez-moi grandir, je vous revaudrai ça dans mes prières. Ce qu’il me faudrait aussi, c’est une bonne paire de nichons. C’est peut-être ce qui me manque le plus. Je suis restée plate comme le dos de la main. Il y en a plus d’un pour me le dire. »

 

La Vouivre

Gen Paul, de son vrai nom Eugène Paul, était un peintre Montmartrois, unijambiste, personnage de la butte. Très ami de Marcel Aymé, il est l’un des personnages de la nouvelle Avenue Junot.

Les alcooliques

Très présent dans nombre des romans et des nouvelles de Marcel Aymé, comme aussi dans la vie quotidienne des Français de l’époque, le vin est souvent ce qui fait basculer les personnages ou même l’univers narratif dans une atmosphère féérique (le personnage de Requiem dans La Vouivre), dans la poésie (Uranus) ou bien encore dans la folie (Le Vin de Paris). De Brûlebois à Léopold en passant par Capucet, les personnages d’alcooliques créés par Marcel Aymé sont toujours originaux et attachants.

Un spectacle merveilleux

« Dans la rue l’attendait un spectacle merveilleux. Des dizaines et des dizaines de bouteilles, des crus les plus divers, déambulaient sur le trottoir. Un moment, il suivit des yeux avec amitié le couple charmant que formaient un bourgogne râblé et une fine bouteille d’Alsace au corps élancé (…) Emmené au poste de police, il y manifesta le désir de boire le commissaire. »

 

Le Vin de Paris