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« [Les vents] pétrissent, comme avec des millions de mains, la souplesse de l’eau immense. »

Les Travailleurs de la mer

L'amour

Voilà un mot qui revient très souvent dans la correspondance de l’auteur. Mais pas forcément là où l’attendrait chez un romantique, au sens où on l’entend aujourd’hui. L’amour, pour Victor Hugo, est un principe de communication avec les êtres, avec tous les êtres, humains ou non, morts ou vivants. La passion amoureuse est un de ces chemins. L’amour pour ses enfants, l’amour des bains de mer en sont d’autres. Bien entendu, il y a des dissonances : les fâcheries, la méchanceté, la mort. Mais pour Hugo c’est toujours l’amour qui a le dernier mot. Le 4 aout 1855, il écrit à Georges Sand :

« J’apprends qu’un malheur vient de vous frapper. Vous avez perdu un petit enfant. Vous souffrez. Voulez-vous permettre à quelqu’un qui vous admire et qui vous aime de prendre votre main dans les siennes et de vous dire que tout son cœur est à vous. (…) Il n’y a pas de mort. Tout est vie, tout est amour, tout est lumière, ou attente de la lumière. »

La Nature

Le monde de Victor Hugo est prodigieusement animé. Il est aux antipodes du monde de Descartes, constitué de mécanismes décomposables, où les êtres vivants sont des machines très perfectionnées. Tout pense. Tout est plein d’âmes. Pour Hugo, un rocher pense, comme une sauterelle ou un oiseau. De ce fait, le monde devient extraordinairement vivant.

Homme ! Autour de toi la création rêve
Mille êtres inconnus t’entourent dans ton mur.
Tu vas, tu viens, tu dors sous leur regard obscur,
Et tu ne les sens pas vivre autour de ta vie.

(…)

Ce que tu nommes chose, objet, nature morte,
Sait, pense, écoute, entend. Le verrou de ta porte
Voit arriver la faute et voudrait se fermer.
Ta vitre connaît l’aube, et dit : Voir, Croire ! Aimer !

Cette petite fleur

« Vois-tu cette petite fleur, mon Toto bien-aimé ? il a fallu toute une grande montagne pour la faire. C’est l’image de la poésie en ce monde. La poésie est une chose exquise et délicate, et il faut un grand cœur pour la produire. (…) Garde aussi à jamais dans ton cœur l’amour de Dieu, de la nature, de ta mère et de ton père. Que ces quatre sentiments n’en fassent qu’un. Être intelligent, c’est être bon. Être bon, c’est être tout. »

 

A son fils François-Victor, Tolosa, 9 aout 1843

Un poète s’alimente de tous les matériaux, de toutes les images, même les plus accidentelles, comme ces éclaboussures d’encrier. En ajoutant le jaillissement d’un homme ailé, Victor Hugo transfigure ces taches et leur donne une puissance formidable.

La simplicité

S’il y une complexité dans les romans de Hugo, elle est dans la construction, dans l’architecture, ou dans le détail. En matière de psychologie, en revanche, ne cherchez pas Dostoïevski chez Victor Hugo. Les personnages sont simples, agités par des pulsions de violence ou de bonté mais peu nuancés. Ce sont des personnages de dessin animé. Rien ne leur est plus éloigné, par exemple, que les personnages ni bons ni mauvais de l’Education Sentimentale de Flaubert, par exemple.

Hugo est simple, mais pas naïf : il connaît la violence des hommes, leur lâcheté, toutes les nuances sombres de notre espèce. Seulement il est porté par une foi indestructible : une fois qu’un homme a vu, senti la lumière de la bonté, il est capable de rédemption.

Le peuple

Victor Hugo est peut-être le seul écrivain qui aime la foule. Ses collègues en général s’en défient. Lui aime la puissance qui s’en dégage quand elle est en colère, le bruissement d’humanité de la rue, les batailles titanesques. Parce qu’il aime ce qui est grand, insondable, violent, imprévisible.

Mais il aime aussi le peuple dans son humilité, dans sa diversité. Il croit en la bonté originelle des êtres humains, et dénoncera toute sa vie avec une grande vigueur la violence de la société à l’égard des pauvres et des faibles (Les Misérables). Ce n’était pas un combat partagé par beaucoup d’écrivains au XIXème siècle, où tenir l’ouvrier pour un être congénitalement inférieur était une opinion banale.

« Le couchant me regarde avec ses yeux de flamme,
La vaste mer me parle, et je me sens sacré. »

 

Les Quatre vents de l’esprit, quatrième promenade