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L’immoraliste

 

 

 

 

Michel est un professeur tout chargé d’érudition. Ses travaux le conduisent en Italie et en Afrique du nord. Sous ces nouveaux climats il tombe malade et il sent que toute une part de son être étouffée par son éducation et son savoir, demande à vivre et à se développer. De retour en France, il rencontre un aventurier, Ménalque, qui l’encourage à suivre sa propre voie.

 

« Je ne prétends à rien qu’au naturel, et pour chaque action, le plaisir que j’y prends m’est signe que je devais la faire.

– Cela peut mener loin, lui dis-je.

– J’y compte bien, reprit Ménalque. Ah ! si tous ceux qui nous entourent pouvaient se persuader de cela. Mais la plupart d’entre eux pensent n’obtenir d’eux-mêmes rien de bon que par la contrainte ; ils ne se plaisent que contrefaits. C’est à soi-même que chacun prétend le moins ressembler. Chacun se propose un patron, puis l’imite ; même il ne choisit pas le patron qu’il imite ; il accepte un patron tout choisi. Il y a pourtant, je le crois, d’autres choses à lire, dans l’homme. On n’ose pas. On n’ose pas tourner la page. Lois de l’imitation ; je les appelle : lois de la peur. On a peur de se trouver seul : et l’on ne se trouve pas du tout. Cette agoraphobie morale m’est odieuse ; c’est la pire des lâchetés. Pourtant c’est toujours seul qu’on invente. Mais qui cherche ici d’inventer ? Ce que l’on sent en soi de différent, c’est précisément ce que l’on possède de rare, ce qui fait à chacun sa valeur ; et c’est là ce que l’on tâche de supprimer. On imite. Et l’on prétend aimer la vie. »



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