Flaubert et son époque
Il la détestait. Flaubert est né pendant la « restauration », période du retour de la monarchie après l’épisode napoléonien. Malgré deux révolutions (1830 et 1848), son siècle est pour lui avant tout celui de l’ordre moral et du développement industriel. Il déploiera dans l’Éducation sentimentale une analyse très profonde et très en avance sur son temps de l’histoire de sa génération, de ses espoirs et de ses échecs.
Le XIXe est un siècle de grandes certitudes : on croit en la science, on croit au progrès, on croit en la technique, on croit en la vertu et la morale, on croit en la civilisation et en la colonisation. Flaubert s’appliquera toute sa vie à démonter ces certitudes pour montrer qu’elles ne reposent que sur des illusions, des mensonges, des idées reçues. Mais il ira plus loin : les critiques que nous adressons à notre temps ne seraient-elles pas elles-mêmes des idées brassées par l’époque et qu’on répète comme un perroquet ? Curieusement, il écrira dans son Dictionnaire des Idées reçues l’article suivant :
« Époque (la nôtre) : Tonner contre elle. — Se plaindre de ce qu’elle n’est pas poétique. — L’appeler époque de transition, de décadence. »
Nous sommes toujours un peu englués dans notre époque, même quand nous croyons la juger. C’est la leçon de Flaubert.
« Je suis ours et veux rester ours dans ma tanière, dans mon antre, dans ma peau, dans ma vieille peau d’ours, bien tranquille et loin du bourgeois et des bourgeoises. »
À Caroline Flaubert, le 20 décembre 1843