Littératurefrançaise.net

Le XIX° siècle

XXᵉ siècle

1 octobre 2020

XIXᵉ siècle

1 octobre 2020

XVIIIᵉ siècle

1 octobre 2020

XVIIᵉ siècle

1 octobre 2020

Renaissance

1 octobre 2020

Moyen-Âge

1 octobre 2020

Révolutions

En France, c’est un siècle d’abord très long, qui déborde un peu ses frontières chronologiques. On peut le faire durer entre deux événements majeurs : la révolution française de 1789 et le début de la première guerre mondiale, 1914.

C’est d’abord le siècle des révolutions et des renversements politiques : 1789, 1799, 1815, 1830, 1848, 1851, 1870. Pas de répit. Des bouleversements à la chaîne. Le siècle débute par la chute de la monarchie : après avoir obéi et subi pendant des siècles, le peuple prétend maintenant être souverain. La plupart des événements politiques du siècle seront déclenchés par cette nouveauté : toutes les classes de la société veulent décider de leur avenir politique et économique. Mais elles ont souvent des intérêts contraires.

Horace Vernet, barricade rue Soufflot, juin 1848
Lyon, rue impériale, sous le second empire (entre 1851 et 1870). Aujourd'hui rue de la République.

Urbanisation

C’est aussi un siècle d’urbanisation. Il faut imaginer un pays où, en 1806, plus de 80% des gens vivaient à la campagne. En 1910, ils ne seront plus que 50%. Entretemps, les villes changent de visage et grossissent démesurément. En 1800, Paris intra-muros compte 550 000 habitants ; à la veille de première guerre mondiale, près de trois millions (bien plus qu’aujourd’hui !). Tout en grandissant, les villes se transforment : les sons, les odeurs, les couleurs changent. A la fin du siècle, l’électricité illumine l’espace urbain dans les grandes capitales. La ville apparaît aussi comme le lieu où tout est possible, où tous les espoirs sont permis (Le Rouge et le Noir) par contraste avec la campagne où rien ne se passe, où rien n’arrive (Madame Bovary).

Le charbon et l'acier

Au-delà des révolutions, le fait dominant de l’époque consiste peut-être en un gigantesque développement technique. On creuse, on fouille le sol pour en extraire des matériaux, on cherche à s’élancer dans les airs, on transforme la matière, on travaille à augmenter notre puissance. C’est un bouleversement complet par rapport aux mentalités des siècles précédents. Produisant toujours plus, la France cherche à la fois des ressources et des débouchés dans ses colonies et lutte pour étendre son empire, en Afrique et en Amérique centrale. Le développement de l’industrie produit une nouvelle classe de travailleurs : les ouvriers. Mécontents de leur situation et de leurs conditions de travail, ceux-ci seront souvent le moteur (mais pas toujours les bénéficiaires) des bouleversements politiques du siècle.

L'instruction publique

L’instruction populaire prend des proportions nouvelles. Alors qu’au long du siècle précédent les livres étaient réservés à une élite bourgeoise ou aristocratique, la lecture s’étend progressivement dans toutes les classes de la société et en 1882 l’instruction devient gratuite, laïque et obligatoire. Le prix du papier et le coût de fabrication du livre baissent considérablement, le livre devient à la portée de tous.

La langue française au XIXᵉ siècle

Cette époque hérite du siècle précédent le sens de l’universel et l’obsession de la pédagogie. On veut que tout le monde se comprenne et parle la même langue : dès la révolution de 1789, l’État commence à faire la guerre aux patois et dialectes, qui ne cesseront de diminuer au long du siècle. Et comme toujours, les évolutions techniques et les combats politiques enrichissent la langue.

  • Au dix-neuvième siècle, les scientifiques européens n’écrivent plus en latin, mais en français, anglais, allemand, italien. Médecine, biologie, sciences sociales progressent vite et le vocabulaire doit suivre. Tous les mots en électro-, par exemple, datent de cette époque.
  • Le dix-neuvième siècle est aussi marqué par de nombreux conflits politiques et sociaux : c’est donc l’acte de naissance de tous les mots en isme, –iste, anti-, qui continuent aujourd’hui leur inflation dans le lexique.

Plus profondément, il y a au dix-neuvième siècle un rapport au langage un peu semblable à celui de la Renaissance : par l’influence du romantisme, la poésie se met au service de la richesse lexicale, sans faire de hiérarchie entre les usages. On voit donc proliférer à cette époque des dictionnaires compilant des mots souvent vite oubliés, comme fatrasser (s’occuper à des niaiseries),  épigrammatiser (faire des bons mots piquants), ou écrivailler (écrire beaucoup, vite, et mal). Parfois ces dictionnaires comprennent des néologismes appelés à un grand avenir : ébouriffant, actualité, actualiser, actualisation (mots issus du Complément au dictionnaire de l’académie française de Louis Barré, 1842). À l’opposé du XVIIᵉ siècle, jardin syntaxique à la Française, taillé avec soin, le vocabulaire au XIXᵉ siècle est plus abondant, sauvage, excessif et parfois inutile.

Le romantisme

Avis de tempête sur la littérature

Le romantisme est la grande affaire littéraire du XIXe siècle. Revenons sur le moment et les conditions de son apparition.

De 1789 à 1815, la France a été secouée par la révolution, puis par les guerres napoléoniennes. On s’occupait alors d’autre chose que de littérature.

Lorsque la paix s’installe en 1815, que trouve-t-on dans le champ littéraire ? Le roman n’existe pas encore, ou à peine. Les deux genres majeurs sont le théâtre et la poésie. Ils sont dominées par les classiques du XVIIe siècle. Mais doit-on continuer à faire des tragédies sur le modèle de celles de Racine, des vers comme ceux de La Fontaine ?

Le romantisme, c’est quand ?

En France, on peut trouver ses premières traces dès le XVIIIe siècle chez J.-J. Rousseau et surtout avec la publication d’Atala de Chateaubriand (1801). Le romantisme prend une nouvelle dimension en 1820 avec les Méditations poétiques de Lamartine, connaît son apogée en 1830 et meurt dans les années 1840.

L’Académie française

Fondée en 1634 par Richelieu, l’Académie française prit son rôle de censeur immédiatement au sérieux puisqu’elle publiait en 1637 son « sentiment sur le Cid », réprouvant les innovations de Corneille. Sur la même ligne face au bouillonnement romantique, son discours sur le romantisme (1824) fustigeait les errements d’un « schisme » opéré par une « secte nouvelle ».

Objet de ricanement et de mépris pour les jeunes écrivains, l’Académie française offre cependant à ses membres une position sociable indiscutable que tous les auteurs convoitent à l’approche de la retraite. Elle a souvent joué un rôle important dans la vie littéraire française, excitant par son conservatisme la colère et la créativité des écrivains.

Feu sur Voltaire et sur l’Académie !

C’est la voie qu’avait choisie Voltaire, au XVIIIe siècle. Voltaire avait considéré que Racine était un sommet insurpassable dans le théâtre, et il s’était attaché à l’imiter le mieux possible dans une trentaine de tragédies aujourd’hui oubliées.

C’est aussi ce que l’on enseignait aux nouvelles générations, au début du XIXe siècle. Les professeurs cornaient aux oreilles des enfants qu’il n’y avait qu’un bon goût en littérature, défini par les classiques du XVIIe siècle. En dehors d’eux et des auteurs antiques, point de salut ! Rabelais ? Vulgaire, scatologique ! Shakespeare ? Désordonné, violent ! Rousseau ? Excessif ! Un cas pathologique ! Naturellement, les jeunes gens allaient se prendre de passion pour ces auteurs audacieux, qui repoussaient les limites de la littérature. Au diable Voltaire et le bon goût ! Au diable les mises en garde des professeurs, les convenances, les recommandations de l’Académie française !

Coup de vent dans les voiles

Toute la position du romantisme est dans la réponse à cette question : faut-il se contenter de reproduire sagement ce qu’on nous a enseigné ? Non ! Mille fois non, disent les nouvelles générations. Si elles aiment et connaissent parfaitement Corneille, Racine, La Fontaine, elles entendent aussi trouver leur propre style. Les classiques aussi, à leur époque, avaient ouvert de nouvelles voies. Il est temps de faire de même.

Au début du XIXe siècle, le romantisme rassemble donc en réalité toute la partie vivante de la littérature. Plutôt qu’une école ou un groupe, le romantisme est un élan, l’exaltation d’une nouvelle génération. Un coup de vent dans les voiles ! Avec lui, l’horizon littéraire s’élargit considérablement.

Nouveaux horizons

Le chant intérieur : Beethoven, extrait de la sonate n°29, op. 106 (1819), par D. Levit.

L’énergie volcanique : Chopin, extrait du concerto n°1 (1830), par Seong-Jin Cho.

Les sources du nord : Allemagne et Ecosse

Introduits en France par Germaine de Staël (De l’Allemagne, 1813), Goethe et Schiller inventent de nouvelles formes dramatiques beaucoup plus libres, d’inspiration plus populaire, en opposition au rationalisme des Lumières. L’aspiration à la liberté, l’énergie des passions, l’affirmation d’une identité nationale et une certaine « élasticité de l’âme » (Elastizität der Seele -Lavater, 1778) deviennent des valeurs centrales (courant Sturm und Drang). Depuis l’Écosse, le prétendu barde Ossian fait vibrer la jeunesse européenne et même Napoléon qui adore son énergie celtique.

L'exotisme

Les romantiques ont le goût des voyages. Chateaubriand fait marcher ses lecteurs dans les grandes forêts américaines et sur les rives du Mississippi (Atala, René), avant de les amener au Moyen-orient (Itinéraire de Paris à Jérusalem, 1811). Bien que d’origine plutôt nordique, le romantisme montre un tropisme oriental marqué, avec Byron (qui mourra auprès des révolutionnaires grecs), Lamartine (Voyage en Orient, 1835), ou encore Victor Hugo (Les Orientales, 1829).

Dans le monde méditerranéen, l’Espagne et l’Italie occupent aussi une place de choix dans l’imaginaire romantique, bientôt à la limite du cliché et de l’autodérision (Alfred de Musset, Contes d’Espagne et d’Italie, 1829).

« C’est l’essaim des Djinns qui passe.
Et tourbillonne en sifflant !
Les ifs, que leur vol fracasse,
Craquent comme un pin brûlant.
Leur troupeau, lourd et rapide,
Volant dans l’espace vide,
Semble un nuage livide
Qui porte un éclair au flanc.

Ils sont tout près ! … »

Extrait de Victor Hugo, « les Djinns» in Les Orientales, 1829

L'Histoire, source d'inspiration

Au XVIIIe siècle, les dramaturges allemands avaient commencé à s’inspirer du Moyen-âge (Götz von Berlichingen (Goethe, 1773), Les Brigands (Schiller, 1782)). Walter Scott, depuis l’Écosse, abreuve l’Europe de romans médiévaux (Ivanohé, 1819).

Victor Hugo s’engouffre dans la voie avec Notre-Dame de Paris (1832). Alexandre Dumas rencontre un énorme succès en évoquant la Renaissance dans sa pièce Henri III et sa cour, jouée en 1829. L’Histoire devient un terrain de jeu infini pour les dramaturges, les poètes et les romanciers !

Le souffle épique : Rossini, extrait de l’Ouverture de Guillaume Tell (1829), dirigé par R. Chailly.

L’individu contre la société

Dans les Rêveries du promeneur solitaire (1782, posthume), Jean-Jacques Rousseau introduisait la contemplation de la nature dans la littérature. Cette démarche allait rencontrer un grand écho chez les romantiques. Mais l’influence de l’écrivain genevois ne se limite pas là. Reprenant ses accusations portées dans ses œuvres de philosophie politique, certains romantiques mettent en cause la société, jugée incapable de faire droit aux aspirations de l’individu.

Ainsi, dans Le Rouge et le Noir (1830), Stendhal met en scène un héros sombre et violent, en guerre contre une société de classes qui ne lui permet pas de réaliser ses ambitions. George Sand dénonce dans Indiana (1832) les drames créés par les lois injustes du mariage. Victor Hugo s’en prend à la peine de mort, dans Le Dernier jour d’un condamné (1829).

Le lyrisme mélancolique : Chopin, extrait de l’étude op.25 n°1 (1837), par W. Horowitz.

L'âme solitaire et mélancolique

Dès son origine, le romantisme est marqué par le tragique. Jugeant son amour impossible, Werther se suicide et la détonation crée une déflagration dans toute l’Europe (Goethe, Les souffrances du jeune Werther, 1774). Se suicider par amour ? C’est prendre les choses bien au sérieux. Dans un discours produit en 1824, l’Académie française reproche aux romantiques de manquer de gaîté, de bouder constamment et de « ne trouver de poésie que dans le malheur et l’affliction ». L’âme romantique ne semble en effet s’épanouir dans rien de tangible. La vie tout entière ne lui suffit pas : « Levez-vous vite, orages désirés qui devez emporter René dans une autre vie… » (Chateaubriand, René, 1802).

La contemplation de la nature renvoie à la fois à un rêve de fusion et à un sentiment de solitude : « il n’est rien de commun entre la terre et moi », se plaint Lamartine dans les Méditations poétiques (1820).

Le romantique s’envole très haut et il a un peu de mal avec la réalité. L’amour existe chez lui surtout à l’état gazeux, fortifié par la musique et les échanges de regards. Couple emblématique du romantisme, Alfred de Musset et George Sand partiront fous amoureux à Venise, pour en revenir irrémédiablement fâchés.

Mais le romantisme est assez divers en lui-même pour contenir ses antidotes. Stendhal et George Sand n’hésiteront pas à s’amuser de leurs propres travers ou de ceux de leurs contemporains, parfois boudeurs, poseurs ou amoureux artificiellement (Mathilde de la Mole dans Le Rouge et le noir).

Écrivains majeurs du XIXe siècle