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Pour Pascal, nous nous construisons quantité de dispositifs techniques et mentaux pour nous cacher une condition humaine insupportable.

La mort et la finitude

Les fragments des Pensées de Pascal se rapportant à la mort et à la condition humaine ne sont pas les plus nombreux, mais ce sont ceux que nous lisons avec le plus d’intérêt aujourd’hui.

Comme un mathématicien, mais avec un sens aigu de la formule, Pascal dépouille tout ce que notre vie a d’accessoire, de plus voyant mais de moins important, pour aller à l’essence de la condition humaine. Et celle-ci lui paraît être définie par la mort. Tout ce que nous faisons, nous le faisons par rapport à elle, consciemment ou non, parce qu’elle nous terrorise.

Mais la mort n’est elle-même qu’un aspect parmi d’autres de la finitude de notre condition humaine : si notre vie est limitée dans le temps, nos perceptions sont limitées dans l’espace, nos connaissances sont limitées par notre perception, etc. Cette finitude nous interdit d’avoir une véritable connaissance de quoi que ce soit, car toutes choses étant liées, il faudrait TOUT connaître pour connaître une partie du tout. Montaigne avait déjà fait ce constat, avec une certaine sérénité. Mais Pascal, lui, en est profondément tourmenté.

Le divertissement

La mort et la contingence de nos existences sont si terrifiantes que toute notre activité est dirigée pour éviter de penser à ce malheur. C’est un constat qui, même à l’époque de Pascal, n’était pas neuf. Montaigne et d’autres philosophes l’ont fait avant lui.

Pascal a l’originalité de définir le problème en des termes nouveaux, avec une netteté et une force extraordinaires. Mais surtout, il va plus loin. Avant lui, les philosophes blâmaient l’irrationalité de ces comportements, et la futilité des hommes. Mais pour Blaise Pascal, si l’on ne croit pas en Dieu, on a bien raison de se divertir. En fait, il est impossible de faire autrement car la pensée de la mort est dans ces conditions littéralement insupportable. Le divertissement devient dès lors une conduite rationnelle et dérivant directement des données de la condition humaine : notre espèce est en effet mortelle, capable de penser à sa mortalité, incapable de soutenir cette pensée durablement, et forcée d’y échapper  par le divertissement.

Politique de l'autruche

« Les hommes n’ayant pu guérir la mort, la misère, l’ignorance, ils se sont avisés, pour se rendre heureux, de n’y point penser. »

 

Pensées

Montaigne pense que si l’homme ne peut rester seul en repos dans une chambre sans déprimer, c’est qu’il n’est simplement pas fait pour ça. Pascal estime, quant à lui, que seul dans sa chambre l’homme déprime parce que c’est une épreuve de vérité qu’il ne peut supporter. Qui a raison ?

Les infinis

Pourquoi « les infinis » ? Y en aurait-il plusieurs ? Reprenons du début. Au Moyen-âge, on considérait que l’infini était un attribut de Dieu, mais pas du monde physique. Ce n’est qu’à partir de la Renaissance que l’on commence à penser que l’univers lui-même pourrait être infini. Les mathématiques approchent peu à peu du calcul intégral. Blaise Pascal, développant la méthode des indivisibles inventée par Cavalieri, découvre avec ses contemporains des horizons nouveaux. Si l’on avait déjà le sentiment de l’infiniment grand, on commence à avoir l’intuition de l’infiniment petit, sans pour autant avoir des instruments très puissants pour observer la nature dans cet ordre de grandeur.

Dans son texte célèbre sur les deux infinis, Pascal pose que l’infiniment grand et l’infiniment petit existent, que par conséquent il n’existe pas de centre ni de circonférence à l’univers, et que l’homme est tout simplement un petit être pensant dans cet effrayant ensemble auquel on ne peut même pas donner de nom puisqu’il n’a pas de limite. L’écrivain a un but : donner le vertige au lecteur et lui faire sentir notre incapacité définitive à comprendre réellement le monde !

La foi

Le projet de Pascal, dans l’ébauche que nous connaissons sous le nom de Pensées, est de pousser son lecteur à parier en faveur de l’existence de Dieu. Mais une fois qu’on a parié, la partie n’est pas gagnée, car la foi est une grâce donnée par Dieu, elle ne peut être conquise par la raison. Pourquoi ?

Il faut peut-être passer par la géométrie pour comprendre. Dans De l’esprit géométrique, Pascal écrit que « les grandeurs sont dites du même genre lorsque l’une étant multipliée plusieurs fois, [elle] peut arriver à surpasser l’autre. » Or, il est impossible en multipliant un point d’aboutir à une ligne, en multipliant une ligne d’aboutir à un plan, en multipliant un plan d’aboutir à un solide. Ce sont des grandeurs appartenant à des genres différents. Blaise pense que c’est la même chose entre les ordres de la chair, de l’esprit, et du cœur. Ainsi « la grandeur des gens d’esprit est invisible aux rois, aux riches, aux capitaines, à tous ces grands de chair. » De même, la grandeur du cœur, de la charité, est invisible pour la raison. Et la foi, qui procède de l’ordre du cœur, ne peut s’acquérir en multipliant les raisonnements. Elle n’est pas du même ordre que l’esprit.

Royaumes

« Que de royaumes nous ignorent ! »

Pensées

« S’il se vante je l’abaisse. S’il s’abaisse je le vante. Et le contredis toujours. Jusqu’à ce qu’il comprenne qu’il est un monstre incompréhensible. »

 

Pensées