Soi-même
« Chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition »
III, 2 « Du repentir »
« Nous ne sommes ingénieux que pour nous malmener : c’est le vrai gibier de la force de notre esprit, dangereux outil lorsqu’il se dérègle. »
III, 5 « Sur des vers de Virgile »
« J’ose non seulement parler de moi, mais parler seulement de moi : je me fourvoie quand j’écris sur autre chose et me dérobe à mon sujet. Je ne m’aime pas si indiscrètement et ne suis si attaché et mêlé à moi que je ne puisse me distinguer et considérer en tiers : comme un voisin, comme un arbre. »
III, 8 « De l’art de conférer »
« Et au plus haut trône du monde, nous ne sommes pourtant assis que sur notre cul. »
III, 13 « De l’expérience »
Croyance et opinion
« Que la fortune nous remue cinq cent fois de place, qu’elle ne fasse que vider et remplir sans cesse, comme dans un vase, dans notre croyance, tant de différentes opinions, toujours la présente et la dernière c’est la certaine et l’infaillible. Pour celle-ci il faut abandonner les biens, l’honneur, la vie et le salut, et tout (…). »
II, 12 « Apologie de Raymond de Sebonde »
« Que sais-je ? »
Devise de Montaigne gravée sur un médaillon
« Nous pensons toujours ailleurs ; l’espérance d’une meilleure vie nous arrête et nous soutient : ou l’espérance de la valeur de nos enfants, ou la gloire future de notre nom, ou la fuite des maux de cette vie, ou la vengeance qui menace ceux qui nous causent la mort… »
III, 4 « De la diversion »
« Si parfaits hommes qu’ils soient, ce sont toujours bien lourdement des hommes. »
III, 4 « De la diversion »
« Pour détourner l’inclination des bruits publics, Alcibiade coupa les oreilles et la queue à son beau chien et le chassa en la place, afin que, donnant au peuple ce sujet à babiller, il laissât en paix ses autres actions. »
III, 4 « De la diversion »
« Peu de chose nous divertit et détourne, car peu de chose nous tient. Nous ne regardons guère les sujets globalement et seuls ; ce sont des circonstances ou des images menues et superficielles qui nous frappent… »
III, 4 « De la diversion »
La nature
« Tous nos efforts ne peuvent seulement arriver à reproduire le nid du moindre oiselet, sa contexture, sa beauté et l’utilité de son usage, ou la tissure de la chétive araignée. »
I, 30 « Des Cannibales »
« … il y a un certain respect, qui nous attache, et un général devoir d’humanité, non aux bêtes seulement, qui ont vie et sentiment, mais aux arbres mêmes et aux plantes. Nous devons la justice aux hommes, et la grâce et la bienveillance aux autres créatures, qui peuvent en ressentir les effets. Il y a quelque commerce entre elles et nous, et quelque obligation mutuelle. »
II, 11 « De la cruauté »
L'être
« (…) Finalement, il n’y a aucune constante existence, ni de notre être, ni de celui des objets. Et nous, et notre jugement, et toutes choses mortelles, vont coulant et roulant sans cesse. Ainsi il ne se peut établir rien de certain de l’un à l’autre, et le jugeant et le jugé étant en continuelle mutation et branle. Nous n’avons aucune communication à l’être, par ce que toute humaine nature est toujours au milieu entre le naître et le mourir, ne baillant de soi qu’une obscure apparence et ombre, et une incertaine et débile opinion. »
II, 12 « Apologie de Raymond de Sebonde »
« Je ne puis assurer mon objet. Il va trouble et chancelant, d’une ivresse naturelle. Je le prends en ce point, comme il est, en l’instant que je m’occupe de lui. Je ne peins pas l’être. Je peins le passage : non un passage d’âge en autre, ou, comme dit le peuple, de sept en sept ans, mais de jour en jour, de minute en minute. »
III, 2 « Du repentir »
« La vie est un mouvement inégal, irrégulier et multiforme. »
III, 3 « De trois commerces »
Le goût
« Nous n’apercevons les grâces que pointues, bouffies et enflées d’artifice. Celles qui coulent sous le naturel et la simplicité échappent aisément à une vue grossière comme est la nôtre : elles ont une beauté délicate et cachée ; il faut la vue nette et bien purgée pour découvrir cette secrète lumière. »
III, 12 « De la physionomie »
Le plaisir
« … retenir avec nos dents et nos griffes l’usage des plaisirs de la vie, que nos ans nous arrachent des poings les uns après les autres. »
I, 38 « De la solitude »
« Jusques aux moindres occasions de plaisir que je puis rencontrer, je les empoigne »
III, 5 « Sur des vers de Virgile »
Le vice
« Notre être est cimenté de qualités maladives ; l’ambition, la jalousie, l’envie, la vengeance, la superstition, le désespoir, logent en nous d’une si naturelle possession que l’image s’en reconnait aussi aux bêtes ; voire même la cruauté, vice si dénaturé : car, au milieu de la compassion, nous sentons au dedans je ne sais quelle aigre-douce pointe de volupté maligne à voir souffrir autrui… »
III, 1 « De l’utile et de l’honnête »
« Le vice laisse comme un ulcère en la chair, une repentance en l’âme, qui toujours s’égratigne et s’ensanglante elle-même. »
III, 2 « Du repentir »
Les femmes
« Les femmes n’ont pas tort du tout, quand elles refusent les règles de vie qui sont introduites dans le monde, dans la mesure où ce sont les hommes qui les ont faites sans elles. »
III, 5 « Sur des vers de Virgile »
« Dès qu’elles sont à nous, nous ne sommes plus à elles. »
III, 5 « Sur des vers de Virgile »
« Les Dieux, dit Platon, nous ont fourni un membre désobéissant et tyrannique qui, comme un animal furieux, entreprend, par la violence de son appétit, de soumettre tout à soi. De même aux femmes, un animal glouton et avide, auquel si on refuse aliments en sa saison, devient forcené, impatient du délai, et, soufflant sa rage en leurs corps, obstrue les conduits, arrête la respiration, causant mille sortes de maux, jusques à ce qu’ayant humé le fruit de la soif commune, il en ait largement arrosé et ensemencé le fond de leur matrice. »
III, 5 « Sur des vers de Virgile »
Le dialogue
« Toutes nos intentions légitimes sont d’elles-mêmes tempérées, sinon elles s’altèrent en séditieuses et illégitimes. C’est ce qui me fait marcher partout la tête haute, le visage et le cœur ouverts. »
III, 1 « De l’utile et de l’honnête »
« Un parler ouvert ouvre un autre parler, et le tire hors, comme fait le vin et l’amour. »
III, 1 « De l’utile et de l’honnête »
« A chaque opposition, on ne regarde pas si elle est juste, mais à tort ou à raison, comment on s’en défera : au lieu d’y tendre les bras, nous y tendons les griffes. »
III, 8 « De l’art de conférer »
Jeunesse et vieillesse
« Je serais honteux et envieux que la misère et l’infortune de ma décrépitude eut à se préférer à mes bonnes années saines, éveillées, vigoureuses »
III, 2 « Du repentir »
« … il ne se voit point d’âmes, ou fort rares, qui en vieillissant ne sentent l’aigre et le moisi. »
III, 2 « Du repentir »
Lire, écrire
« Le parler que j’aime, c’est un parler simple et naturel, tel sur le papier qu’à la bouche : un parler nourrissant et nerveux, court et serré, moins délicat et peigné que véhément et brusque. Plutôt difficile qu’ennuyeux. (…) Je n’aime point les tissus, où les liaisons et les coutures paraissent. Comme en un beau corps, il ne faut pas qu’on puisse compter les os et les veines. »
I, 25 « De l’institution des enfants »
« Les livres ont beaucoup de qualités agréables à ceux qui les savent choisir ; mais aucun bien sans peine : c’est un plaisir qui n’est pas net et pur, pas plus que les autres ; il a ses incommodités, et bien pesantes ; l’âme s’y exerce, mais le corps, duquel je n’ai non plus oublié le soin, demeure cependant inactif, s’avachit et s’attriste. »
III, 3, « De trois commerces »
« Les formes de parler, comme les herbes, s’amendent et se fortifient quand on les transplante. »
III, 5 « Sur des vers de Virgile »
« Mais mon âme me déplait en ce qu’elle produit ordinairement ses plus profondes rêveries, les plus folles et celles qui me plaisent le mieux, à l’improviste et lors que je les cherche le moins ; elles s’évanouissent aussitôt, faute d’avoir où les attacher sur-le-champ : à cheval, à table, au lit, mais surtout à cheval, où sont mes plus longs entretiens. »
III, 5 « Sur des vers de Virgile »