Œuvres principales - Extraits
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Ballade des dames du temps jadis
1461 - Le Testament
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Epitre à ses amis
1461
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Ballade des pendus
1462
François de Montcorbier naît (probablement) en 1431, l’année où Jeanne d’Arc brûle. Orphelin de père, il est confié par sa mère à un clerc, Guillaume de Villon, qui lui donnera son nom. Il fait des études dans le quartier latin, à Paris, et devient maître ès arts à 21 ans. Mais l’Université et ses étudiants, à cette époque, forment un groupe jaloux de son indépendance et les heurts sont fréquents avec l’autorité royale. Les étudiants sont souvent assez voyous et n’hésitent pas à tirer dague ou épée. Un jour de juin 1452, alors que François est assis sur un banc de la rue Saint Jacques, un prêtre, Philippe Sermoise, le prend à partie et lui jette à la tête une pierre qui lui fend les lèvres. Villon s’enfuit, le prêtre le rattrape, notre poète tire son épée et tue Sermoise.
Villon fuit la capitale, s’exile pendant sept mois, et l’autorité judiciaire lui pardonne. Il revient à Paris. Mais l’année suivante, en 1457, son ami Tabarie, pris par la police, le dénonce comme ayant participé à un vol de 5000 écus au collège de Navarre. Villon doit s’enfuir à nouveau. Il part pour Blois, où le duc d’Orléans entretient courtisans et poètes. François Villon entre dans la cour et écrit quelques ballades. En 1458, en disgrâce, il doit quitter l’entourage du duc.
Durant l’été 1461, Villon est emprisonné pour une raison inconnue dans un cachot du chateau de Meung-sur-Loire, par la volonté de l’évêque d’Orléans Thibault d’Aussigny. Mais Louis XI est sacré roi de France le 15 aout, et en entrant à Meung-sur-Loire il fait libérer quelques prisonniers : François Villon est du lot. Il remercie le roi par une nouvelle Ballade et tente de revenir à Paris. Il commence à rédiger son œuvre majeure, le Testament. Mais, en 1462, il est à nouveau impliqué dans une bagarre avec un notaire, rue Saint Jacques encore.
Cette fois, on en a assez de François Villon. Il est condamné par la Prévôté à « être étranglé et pendu au gibet de Paris ». Sans illusion sur son sort, il attend en prison la confirmation de sa condamnation et c’est là probablement qu’il écrit la célèbre Ballade des pendus. Mais le jugement est cassé par le Parlement et Villon est condamné à dix ans de bannissement. Le poète quitte Paris le 8 janvier 1463. A partir de cette date, on ne sait plus rien de lui.
Bien sais si j’eusse étudié
Au temps de ma jeunesse folle,
Et à bonnes mœurs dédié,
J’eusse maison et couche molle !
Mais quoi ? je fuyais l’école,
Comme fait le mauvais enfant…
En écrivant cette parole,
A peu que le cœur ne me fend.
Testament, XXVI
François Villon naît au moment où Jeanne d’Arc meurt sur le bûcher, il a cinq ans lorsque les Anglais abandonnent Paris : c’est à peu près la fin de la guerre de cent ans. Ce conflit interminable laisse une France épuisée et meurtrie par les divisions, les clans, les batailles, les maraudes, les épidémies, les famines. Entre 1436 et 1440, on dénombre de 50 à 60 personnes dévorées par les loups en région parisienne. Il arrive même que le loup tue dans la capitale, en plein cœur des halles.
La vie est précieuse, fragile et toujours menacée. Les écrits de François Villon sont marqués par l’éphémère, l’obsession de la mort, et un certain sens de la dérision (Le Testament). Mais cette époque est aussi celle d’un grand art. Le poète est contemporain de la rédaction des Très Riches heures du duc de Berry, sommet de l’enluminure, et dont la page présentée ci-contre illustre une compréhension du corps très éloignée des paradigmes de la science moderne.
Sa chair soit detrenchée menue
Plus qu’au moulin n’est la farine,
Ou de gros nerfs soit bien battue,
Ou couche nus sur tas d’épine :
Et afin que plus tôt il fine,
Son corps soit rempli de poison,
Ou qu’en prison vive en famine,
Qui autrui blâme sans raison.
Ballade morale
Les écrits de François Villon ont connu une grande notoriété dès la fin du XVe siècle, avec l’essor de l’imprimerie. Son nom s’effaça ensuite peu à peu. Il fut redécouvert par les romantiques de 1830 : le Moyen-âge et la figure du poète maudit étaient à la mode (en témoigne par exemple le grand succès du roman de Victor Hugo Notre-Dame de Paris, paru en 1832).
Du point de vue de l’histoire littéraire, Villon fut peut-être le premier poète personnel : assumer sa subjectivité n’était pas une démarche habituelle en son temps. Mais sa vie de criminel a également participé à l’attraction autour de son œuvre et il incarne aujourd’hui le prototype du poète transgressif.
« Autant en emporte le vent »
Ballade en vieux langage françois
Il est extraordinaire par sa vie, par son œuvre, par le temps qui nous sépare de lui. Lire Villon, c’est un peu voyager dans le temps, tout en restant dans un univers assez familier : la rue Saint-Jacques, où lui sont arrivées deux aventures décisives, longe encore aujourd’hui la Sorbonne dans le quartier latin.
Le burlesque, le tragique, le comique, le paillard se mêlent dans ses vers et donnent à sa lecture comme la brûlure d’un alcool fort. Si les jeux de mots et allusions aux anecdotes de l’époque dans le quartier latin nous échappent un peu aujourd’hui, l’angoisse du poète devant la mort ou la brièveté de la vie nous touchent encore profondément. Sa poésie se concentre parfois en des formules si denses qu’elles ont traversé six siècles sans perdre de leur force :
Je meurs de soif auprès de la fontaine.
1461 - Le Testament
1461
1462
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