Tandis que les chansons de geste se multiplient en langue d’oïl, une nouvelle poésie voit le jour en langue d’oc, dans le midi de la France, au début du XIIe siècle. Contrastant avec la brutalité des épopées guerrières, elle célèbre un amour respectueux, passionné et entièrement dévoué à sa propre cause : la fin’amor (c’est-à-dire l’amour accompli).
Les auteurs de ce ces chants sont les troubadours (à ne pas confondre avec les jongleurs, qui les chantent et les interprètent auprès du public). Hommes ou femmes (on a dénombré 23 trobairitz), en général de noble souche, ces poètes créent un genre nouveau qui va essaimer vers le nord de la France, où ils seront appelés trouvères, mais aussi en Espagne, au Portugal, en Italie, en Allemagne (Minnesänger).
La fin’amor (appelé aussi depuis Gaston Paris « amour courtois ») n’a rien à voir avec le mariage ou la fondation d’une famille : il est d’ailleurs presque toujours adultère et socialement problématique. Sacrifiant tout à l’énergie du désir, les protagonistes de l’amour courtois s’arrangent pour différer sans cesse leur union. La fin’amor est en grande part intérieure, épistolaire, marquée par les obstacles et les longues séparations. Elle fait battre le cœur des amants mais leur arrache aussi soupirs et grincements de dents. La vie et même les mots ne sont pas à la hauteur du désir, comme l’écrit la trobairitz Clara d’Anduze :
Ami, j’éprouve tant de colère et de désespoir de ne pas vous voir que lorsque je pense chanter, je me plains et je soupire parce que je ne puis faire avec mes couplets ce que mon cœur voudrait accomplir.