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Un désir de clarté

La vie de Montesquieu

Charles-Louis de Secondat, plus tard baron de La Brède et de Montesquieu, naît à La Brède en janvier 1689. On lui donne un mendiant pour parrain. Sa famille lui fait étudier le droit. A 25 ans, il devient conseiller au parlement de Bordeaux, puis « président à mortier », équivalent actuel de président de la cour d’appel, à Bordeaux. Son métier ne le passionne pas. Ce qui l’intéresse vraiment, c’est d’étendre ses connaissances : membre de l’académie royale de Bordeaux, il publie des opuscules sur des questions de sciences naturelles, d’anatomie, de politique, d’éthique. Quand il hérite du domaine et du titre de son père, en 1713, il plante des vignes pour produire du vin, élève des bestiaux et modernise ses propriétés.

Ecrivain, vigneron et voyageur

Il fait paraître les Lettres Persanes en 1721, sans s’en déclarer l’auteur. Mais personne ne s’y trompe. Le livre remporte un succès considérable et lui ouvre les portes des salons parisiens. Malgré son accent gascon, Montesquieu est invité partout. Il fait donc de fréquents séjours à Paris, et l’été s’occupe de sa propriété de La Brède. Il a trente-neuf ans quand il se fait élire à l’Académie Française, en 1728.

Une célébrité européenne

Peu après, Charles entreprend un grand voyage à travers l’Europe, de l’Italie à l’Angleterre, en passant par l’Autriche et par la Hongrie. Pendant trois ans, sa curiosité sans limites s’informe de la façon dont les gens vivent et des lois qui régissent les Etats.

Il prépare un ouvrage majeur sur les fondements du droit. Après vingt ans d’études préparatoires, De l’Esprit des Lois est publié en 1748. Le livre est lu et vivement discuté partout en Europe. Montesquieu consacre une partie de son temps à sa défense, travaille sans relâche, reprend ses anciens ouvrages, fatigue les nombreux secrétaires qui se succèdent au château de La Brède. Il meurt à Paris en février 1755, à soixante-six ans.

Voyages

« Il n’avait remporté de ses voyages, ni un dédain outrageant pour les étrangers, ni un mépris encore plus déplacé pour son propre pays. Il résultait, de ses observations, que l’Allemagne était faite pour y voyager, l’Italie pour y séjourner, l’Angleterre pour y penser, et la France pour y vivre. »

D’Alembert

Montesquieu et son temps

Montesquieu ne déteste rien tant que les beaux esprits qui d’après lui pullulent à son époque : ces gens brillants sont de tous les diners mais extérieurs à toute activité politique ou professionnelle. Montesquieu veut, lui, être utile à sa terre, à son pays, et même au genre humain si possible. Observateur, cherchant la raison des choses et comparant sans cesse, il cherche avant tout à comprendre son temps pour l’améliorer.

Fonder le droit en se passant de Dieu

Dans les Lettres Persanes ou dans l’Esprit des lois, pas de raisonnement métaphysique. Montesquieu ne montre aucun respect pour le clergé, et en particulier pour le pape, « vieille idole qu’on encense par habitude ». Il construit une approche du droit et de la politique qui peut se passer de Dieu. Un gouvernement ou bien un ensemble de lois sont bons non parce qu’ils se conforment à la Bible, mais parce qu’ils conviennent aux mœurs du peuple, à ses passions, et ne choquent pas l’idée universelle de justice. Ses voyages lui ont appris qu’on ne vit pas de la même manière sous tous les climats et que les régimes politiques doivent être analysés en fonction des valeurs de la société, des coutumes, de l’histoire. C’est une approche tout à fait nouvelle.

Quel siècle que le nôtre !

« Quel siècle que le nôtre, où il y a tant de critiques et de juges, et si peu de lecteurs ! »

 

Pensées

Sa place dans l'histoire de la littérature

Montesquieu a écrit deux ouvrages principaux dont l’un se rapporte à la littérature et l’autre à la philosophie. L’Esprit des Lois eut une influence considérable dans la réflexion politique et même dans l’Histoire et la vie des hommes : il fut l’une des références majeures de la Constitution des Etats-Unis, particulièrement en ce qui concerne la répartition des pouvoir judiciaire, législatif et exécutif. Par ailleurs, la méthode de Montesquieu dans cet ouvrage esquisse ce que l’on appellera bien plus tard la sociologie.

Qu’en est-il de la littérature ? Avant les Lettres persanes, il existait déjà des récits de voyages (par exemple celui-ci prétendument traduit de l’arabe) ou bien des romans épistolaires (Lettres d’une religieuse portugaise). La nouveauté, c’est la parfaite réussite de l’auteur. Les Lettres Persanes sont restées à la fois un modèle de goût, d’intelligence, d’autodérision et de remise en question qui font de ce petit livre l’un des plus représentatifs et des plus efficaces du siècle des Lumières.

La popularité du livre tient beaucoup à sa forme : les lettres sont courtes et percutantes, souvent amusantes. On passe sans cesse d’un point de vue à un autre. Elles n’ont pas la lourdeur d’un argumentaire philosophico-politique contre l’absolutisme. L’auteur a trouvé le moyen de divertir ses lecteurs tout en les faisant réfléchir.

Postérité

« S’il m’est permis de prédire la fortune de mon ouvrage, il sera plus approuvé que lu : de pareilles lectures peuvent être un plaisir, elles ne sont jamais un amusement. »

 

Pensées

Le plaisir de lire Montesquieu

Ouvrir les Lettres Persanes, c’est plonger dans le XVIIIe siècle. La vie quotidienne, les ridicules de la société, les grandes questions du temps sont évoquées à travers une écriture extraordinairement vive, faite de récits brefs et de dialogues efficaces. Sous une apparence légère et désinvolte, le style de Montesquieu est très travaillé : chaque personnage a sa voix propre, sa personnalité, un ton singulier : c’est ce qui rend l’ensemble coloré et vivant. Enfin, il y a plusieurs niveaux de lectures possible : on peut longtemps rêver sur les Lettres Persanes, qui ouvrent tout un champ de réflexion sur la culture et ses points aveugles. Comme Montaigne, autre Bordelais, Montesquieu laisse une grande place au lecteur dans ses livres, qui réussissent parfaitement à nous stimuler.

Faire penser

« (…) il ne faut pas toujours tellement épuiser un sujet qu’on ne laisse rien à faire au lecteur. Il ne s’agit pas de faire lire, mais de faire penser. »

De l’Esprit des lois

Extraits

Les Lettres Persanes

De l'Esprit des lois