A l’époque de la Renaissance, la pensée scientifique pose ses premiers jalons, avec Galilée par exemple. C’est le début d’une grande aventure, mais seulement le début : la représentation du monde la plus commune vient du Moyen-âge et procède donc d’une pensée analogique.
Le roi gouverne son pays à l’image de Dieu roi du monde ; la structure de la société trouve son image dans la représentation du corps ; les pas de danse mêmes, reprennent les mouvements des constellations et représentent l’ordre du monde : tout est dans tout. Autrement dit, la coupure entre nature et culture, constitutive de l’occident moderne, n’a pas encore eu lieu. En conséquence, dans le monde qui est encore celui de Ronsard (comme dans celui de Montaigne), les animaux et les plantes sont encore un peu nos cousins et cousines, et non des mécanismes à élucider. Ronsard parle du sang des arbres, et se révolte quand on arrache une forêt pour faire des champs, c’est-à-dire de l’utile, du revenu, du rationnel.
En plus de toute la chaîne des êtres vivants, le cosmos de Ronsard s’enrichit encore de tout l’univers mythologique gréco-latin ; dieux, déesses, faunes, nymphes peuplent ses vers. Même, des “démons” aériens et terrestres, farceurs, ni bons ni méchants, qui semblent des gargouilles échappées des cathédrales :
Autour de nos maisons, et de travers se couchent,
Dessus notre estomac, et nous tâtent et touchent ;
Ils remuent de nuit bancs, tables et tréteaux,
Clefs, huis, portes, buffets, lits, chaires, escabeaux…
De temps en temps, les démons prennent froid, et ils cherchent la chaleur,
Non celle du soleil, car elle est trop ardente,
Mais le sang tempéré d’une bête vivante,
Et entrent dans les porcs, dans les chiens, dans les loups,
Et les font sauteller sur l’herbe comme fous.