Ronsard
La joie de vivre
La joie de vivre
La vie de Pierre de Ronsard
Pierre de Ronsard naît en septembre 1524 dans le château de la Possonière (voir plus bas), non loin de Vendôme. Il grandit sous une bonne étoile : sa famille est aisée, son père l’introduit à la cour. On commence à lui confier des missions diplomatiques et sa carrière au service de l’Etat semble toute tracée, quand à 19 ans une otite le laisse à moitié sourd. Il lui faut changer de parcours. Ronsard décide de se consacrer à l’étude des lettres. Pour lui, c’est le bonheur !
Dans ces années d’apprentissage, il rencontre une jeune homme nommé Joachim du Bellay, et d’autres poètes en herbe qui formeront avec lui le groupe de la Pléiade, se donnant pour but de défendre et d’illustrer ensemble une langue française en quête de légitimité. A l’âge de 26 ans, Ronsard fait publier sa première grande œuvre : les Odes (1550). Suivront bientôt les premiers livres des Amours (1552) et des Hymnes (1555). C’est le succès, et même la gloire : Ronsard est fêté comme l’égal des poètes grecs de l’antiquité, il est célèbre jusqu’en Italie. Mais à cette époque, un poète sans protecteur est condamné à crever de faim ou à changer de profession. Charles IX au pouvoir, Ronsard devient un vrai poète de cour : il célèbre la politique du roi, organise les festivités, écrit des poèmes de circonstance.
Le retrait
Charles IX lui offre les revenus d’une abbaye en récompense de ses services. Il était temps : en 1574, le roi meurt, et son successeur Henri III met peu à peu Ronsard au placard. Il a cinquante ans, et il n’est plus au goût du jour. Même s’il semble avoir toujours eu une bonne nature, notre poète commence à trouver la vie de cour un tantinet pesante, alors que les rivalités entre catholiques et protestants enflamment le pays régulièrement. Ronsard se met en retrait : il s’occupe de la publication de ses œuvres, en récrit un certain nombre, publie les Sonnets à Hélène (1578). On l’imagine volontiers en train de tailler des roses dans son jardin. Il meurt en 1585 entouré de ses amis.
« Je m’en vais saoul du monde, ainsi qu’un convié
S’en va saoul du banquet de quelque marié,
Ou du festin d’un Roi, sans renfrogner sa face,
Si un autre après lui se saisit de sa place. »
Au Seigneur de Villeroy
« Nous laverons nos herbes à main pleine
Au cours sacré de ma belle fontaine,
La blanchirons de sel en mainte part,
L’arroserons de vinaigre rosart,
L’engraisserons de l’huile de Provence;
L’huile qui vient aux oliviers de France
Rompt l’estomac, et ne vaut du tout rien. »
« La salade », Premier Livre des Poèmes
Ronsard et son époque
La Renaissance, en France, est une époque complexe et très agitée. En poésie, les modèles sont d’abord les italiens : c’est ce que l’on appelle le « pétrarquisme ». D’autre part, les traductions et les éditions des auteurs antiques se multiplient et suscitent un intérêt passionné : dans ce contexte, faut-il oser faire de la langue française une langue littéraire, ou laisser au latin et au grec le monopole de la culture ? Avec quelques amis rencontrés au Collège (on dirait aujourd’hui à l’université), dont Joachim du Bellay, Pierre de Ronsard prendra clairement parti pour la langue française. C’est tout le projet du groupe de la Pléiade. Alors même que ces écrivains (et Ronsard en particulier) sont passionnés par l’antiquité, ils prétendent commencer une ère nouvelle en créant des œuvres en langue française aussi légitimes culturellement que celles de Pindare ou de Virgile. Le groupe de la Pléiade est donc d’une importance cruciale dans l’histoire de la littérature française.
Célébrer la vie
La Renaissance (surtout dans la seconde moitié du XVIe siècle) se caractérise aussi par des conflits religieux entre catholicisme et réforme protestante. Ronsard, quant à lui, rejette la vision du monde d’un Calvin pour qui la création est irrémédiablement viciée, coupée du Ciel. Au contraire, il célèbre l’unité et la beauté du monde dans une œuvre imprégnée de références mythologiques gréco-latines et d’une philosophie platonicienne que les artistes voyaient comme l’expression d’un christianisme avant la lettre.
« Adoncques, pour hausser ma langue maternelle,
Indompté du labeur, je travaillai pour elle,
Je fis des mots nouveaux, je r’appellai les vieux,
Si bien que son renom je poussai jusqu’aux cieux.
Je fis, d’autre façon que n’avaient les antiques,
Vocables composés et phrases poëtiques,
Et mis la Poësie en tel ordre qu’après
Le Français fut égal aux Romains et aux Grecs. »
Réponse aux injures et calomnies
Sa place dans l'histoire de la littérature
Ronsard domine la poésie de la Renaissance. Il en est le plus grand poète, le plus varié, le plus étendu. Mais, comme souvent en littérature, sa mémoire a subi un long purgatoire. On l’a mis sous le tapis depuis sa mort jusqu’à l’époque romantique, au début du XIXe siècle. Aujourd’hui encore, son image populaire est celle d’un poète de cour élégant et superficiel, troussant de jolis madrigaux pour séduire les dames.
En réalité, Ronsard est bien plus que cela ! Flaubert se plaignait déjà des éditions de son temps, écrivant que « les plus belles choses en sont absentes. – Tu ne t’imagines pas quel poète c’est que Ronsard. Quel poète ! quel poète ! » (A Louise Colet, 16 février 1852) Nous reste-t-il un Ronsard à découvrir ? Quoi qu’il en soit, à nos yeux, il incarne déjà plus qu’aucun autre la Renaissance en littérature et il a mené à bien son projet initial : faire de la langue française une langue littéraire autant que le latin et le grec.
« Il faut déguiser la poésie en France ; on la déteste et, de tous ses écrivains, il n’y a peut-être que Ronsard qui ait été tout simplement un poète, comme on l’était dans l’antiquité et comme on l’est dans les autres pays. »
Flaubert, lettre à Louise Colet
Pourquoi Ronsard est un écrivain extraordinaire
Ronsard a eu la chance -ou la malchance, de se trouver à une période charnière concernant la langue française. Il a quinze ans quand l’ordonnance de Villers-Côtterets est signée, imposant la langue française dans les actes administratifs. Surtout parlée jusqu’à présent, la langue est donc encore assez peu normée. Ronsard va profiter pleinement de cette liberté pour jouer avec les mots comme il le veut, forgeant lui-même un vocabulaire qu’il va chercher aussi bien dans les poètes grecs que chez les artisans de son temps.
Lire les poèmes de Ronsard, c’est donc aussi faire l’expérience d’une langue en train de se faire, et qui s’alimente de tout. Qu’ils soient courtois ou tragiques, épiques ou même révoltés, ses poèmes sont d’une fraîcheur intense et pleins de couleurs, de saveur, d’images concrètes et de sensations.
« Quel poète ! quel poète ! quelles ailes ! (…) – Ce matin, à 1 h. 1/2, je lisais tout haut une pièce qui m’a fait presque mal nerveusement, tant elle me faisait plaisir. C’était comme si l’on m’eût chatouillé la plante des pieds. »
Flaubert, Lettre à Louise Colet
Œuvres principales - Extraits
Poésies
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"Fais rafraîchir mon vin..."
1550- Odes, livre II
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L'aubépin
1550 - Odes, livre IV
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"Ce beau corail..."
1552 - Les amours
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"Mignonne, allons voir si la rose"
1553 - Les amours
-
"Je voudrais bien richement..."
1553- Les amours
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"Une balle qui bruit..."
1555 - Mélanges
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Hymne de l'été
1556- Second Livre des hymnes
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"Comme un beau pré dépouillé de ses fleurs..."
1561 - Elégies
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"Ecoute, bûcheron, arrête un peu le bras !"
1567- Elégies
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"Quand vous serez bien vieille..."
1578 - Sonnets pour Hélène
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"Je n'ai plus que les os..."
Posthume - Derniers vers
Prose
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Le français vit de ses dialectes
1565 - L'art poétique
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Les nerfs et la vie du livre
1565 - L'art poétique
-
Faire vivre la langue
1572 - Préface de La Franciade