Proust et son temps
Même s’il évoque des événements incontournables de son temps comme l’affaire Dreyfus, ou la guerre de 14, Marcel Proust n’est pas une conscience de son temps comme a pu l’être Zola par exemple : il ne cherche pas non plus à faire une fresque des différentes classes de la société, comme Balzac. Ni réaliste, ni symboliste, ni parnassien, ni décadent, comment rattacher Proust à son temps ?
Une œuvre inclassable
Ne se situant dans aucune catégorie romanesque connue, le manuscrit de Du côté de chez Swann, arrivant chez l’éditeur Fasquelle, suscita l’incompréhension du rapporteur (un certain Jacques Madeleine, ça ne s’invente pas !) : « Au bout des sept cent douze pages de ce manuscrit (…), après d’infinies désolations d’être noyé dans d’insondables développements et de crispantes impatiences de ne jamais pouvoir remonter à la surface -on n’a aucune, aucune notion de ce dont il s’agit. Qu’est-ce que tout cela vient faire ? Qu’est-ce que tout cela signifie ? Où tout cela veut-il mener ? -Impossible d’en rien savoir ! » Soyons justes : c’est une impression que nous pourrions encore éprouver aujourd’hui à la lecture de Proust.
Mais les fins lecteurs eurent tôt fait de comprendre le projet ambitieux de Proust et de pressentir que l’ensemble allait donner un sens aux parties. De plus en plus soutenu et reconnu, il obtint le prix Goncourt en 1919 pour A l’ombre des jeunes filles en fleur. Le cours de l’histoire allait ensuite montrer quelle voie il avait ouvert en littérature.
Emmanuel Berl raconte comment Proust tâchait de lui inculquer sa vision du monde...