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Le Général Thomas Alexandre Dumas (père de l’écrivain), Olivier Pichat, 1883, Musée Alexandre Dumas, Villers-Cotterêts.

A travers sa force, son ascension sociale, la prison, son héroïsme, sa générosité, l’image de ce père à la trajectoire exceptionnelle imprègne de très nombreuses œuvres de Dumas.

L'aventure et le voyage

« La joie de l’âme est dans l’action », a écrit Shakespeare. Cette maxime pourrait être celle de Dumas et de ses personnages. Dans sa vie comme dans son œuvre, les aventures se succèdent à flot continu. Quel entrain ! Quel tonus ! Les Trois Mousquetaires, le Comte de Monte-Cristo, Les Mohicans de Paris, mais aussi Les Compagnons de Jéhu (roman entièrement de la main de Dumas), tous ces récits touffus et abondants regorgent de jeunes gens (hommes et femmes) énergiques prêts à en découdre pour arriver à leurs fins, mais aussi parfois marqués d’un signe tragique, comme Antony dans la pièce du même nom ou comme Roland des Compagnons de Jéhu.

Toujours en mouvement, les personnages de Dumas semblent animés de l’élan vital de leur créateur, en quête permanente de nouveaux horizons : « Voyager, c’est vivre dans toute la plénitude du mot ; c’est oublier le passé et l’avenir pour le présent ; c’est respirer à pleine poitrine, jouir de tout » (Impressions de voyage).

 

La bonne humeur

Il y a peu d’humour dans les œuvres de Dumas, mais beaucoup de gaieté, une allégresse plus forte que tout. Le but de Dumas n’est pas de faire réfléchir, mais de divertir son lecteur. D’où une atmosphère d’invincible bonne humeur qui est pour Flaubert l’une des caractéristiques (et une limite) de son œuvre :

Ses personnages, alertes comme des singes, forts comme des bœufs, gais comme des pinsons, entrent et partent brusquement, sautent des toits sur le pavé, reçoivent d’affreuses blessures dont ils guérissent, sont crus morts et reparaissent. Il y a des trappes sous les planchers, des antidotes, des déguisements et tout se mêle, court et se débrouille, sans une minute pour la réflexion. L’amour conserve de la décence, le fanatisme est gai, les massacres font sourire. (Bouvard et Pécuchet)

Eugène Giraud, Souvenir du voyage fait de Paris à Cadix fait, en 1846, par Alexandre Dumas et ses amis.

Musée Carnavalet, Paris.

A la droite de Dumas, on peut voir son collaborateur Auguste Maquet, à cheval avec un nœud papillon.

L'Histoire

L’Histoire est d’abord pour Dumas une inépuisable mine de personnages, de conflits, de détails pittoresques, de péripéties et d’intrigues. Son plus grand succès dramatique (qui est aussi celui de tout le XIXe siècle), La Tour de Nesle, provient d’un drame bien réel survenu dans l’entourage direct de Louis X, en 1314. Dans d’autres cas de figure, comme Les Trois Mousquetaires ou Les Compagnons de Jéhu, l’Histoire sert de toile de fond à des aventures imaginaires. Des héros de papier rencontrent alors des personnages ayant réellement existé comme le cardinal de Richelieu ou bien Napoléon Bonaparte.

Mais Dumas est plus qu’un amuseur ou qu’un producteur industriel de romans. Pour chaque époque, il choisit ses couleurs. Les passions du XVIe siècle ne sont pas celles du XIXe siècle. Et bien entendu, le pouvoir n’est pas réparti de la même manière non plus. En fait, en s’appuyant notamment sur Jules Michelet, Dumas a beaucoup réfléchi aux évolutions sociales et politiques de la France depuis la période gallo-romaine (Gaule et France). Pour lui, il y a un sens de l’Histoire, et le peuple est son moteur. Tant que les structures socio-économiques dépossèderont le peuple de ses droits légitimes à la propriété, il y aura des conflits et des révolutions.

La scène

Alexandre Dumas se considérait avant tout comme un auteur dramatique : Henri III et sa cour, La Tour de Nesle, Antony l’ont fait accéder à la gloire dès l’âge de trente ans. Un peu comme Beaumarchais, Dumas ne s’embarrasse pas trop de vraisemblance : il faut avant tout que la scène vive, surprenne, captive. Au besoin, les retournements de situation sont produits par des trucs qui frisent la magie ou le tour de passe-passe !

Ses romans suivent la même recette. Ils sont tissés de dialogues (bien plus que les romans de Balzac, par exemple) et ils se prêtent merveilleusement à des adaptations théâtrales. C’était d’ailleurs une stratégie de l’auteur, qui avait fait construire son propre théâtre (baptisé le Théâtre-Historique), boulevard du Temple, pour y faire jouer les adaptations de ses romans.

Depuis l’invention du cinéma, les producteurs et les réalisateurs ont bien compris le profit qu’ils pouvaient tirer de ces romans rythmés, connus du monde entier et animés par des personnages qui s’incrustent dans la mémoire collective. Les adaptations de Dumas à l’écran se comptent donc par centaines.