Alexandre Dumas
La vie triomphante
La vie triomphante
Extraits du concerto n°2 pour piano de Camille Saint-Saëns, 3e mvt. Concerto composé en 1868. Piano : Grigory Sokolov. 1967.
La vie d'Alexandre Dumas
Mon père, ce héros
Tout commence aux Antilles. La grand-mère d’Alexandre Dumas était esclave dans une plantation française de Saint-Domingue, quand un marquis normand l’acheta et l’affranchit. Ils eurent ensemble un fils prénommé Thomas, qui fit une brillante carrière militaire pendant la révolution jusqu’à devenir général. Passionnément républicain, Thomas suivit Bonaparte en Égypte, mais fut fait prisonnier au retour, tomba malade et mourut en 1806. Entretemps, un fils lui était né en 1802 : Alexandre.
Le petit orphelin grandit à Villers-Cotterêts, choyé par une mère aimante et exalté par l’image d’un père héroïque. Il aime la vie, court les filles et reste ignorant comme une carpe. Pour subvenir à ses besoins, il monte à Paris et réussit à obtenir un emploi subalterne auprès du duc d’Orléans, à l’âge de 22 ans. Au contact d’une jeunesse parisienne enflammée par le romantisme, il se passionne pour la littérature en train de se faire et veut devenir écrivain.
Triomphe au théâtre
Avec ses copains romantiques aux cheveux longs, Alexandre Dumas a soif de succès. Comme Victor Hugo, il sait qu’il lui faut réussir au théâtre s’il veut obtenir une reconnaissance littéraire. Justement, Alexandre est doué dans ce domaine. Il a le sens du dialogue et de l’intrigue. Surtout, il pressent parfaitement bien les attentes du public. Sa pièce Henri III et sa cour est un grand succès. Antony est un triomphe. Alexandre est reconnu avec Victor Hugo comme un des leaders de la nouvelle génération littéraire. C’est la gloire !
Le roi du roman-feuilleton
Multipliant les livres et les maîtresses, Alexandre est animé par un prodigieux élan vital. En s’associant avec un littérateur nommé Auguste Maquet, il produit dans les années 1840 des œuvres dans le genre le plus rémunérateur : le feuilleton. C’est ainsi que naissent Les Trois Mousquetaires, Le Comte de Monte-Cristo et d’autres romans dont il crée aussi des versions scéniques dans son propre théâtre. Dumas se fait construire une maison splendide.
Dans les années 1850 viennent les premiers échecs. Ses nouveaux romans ne marchent pas. Il doit vendre son petit palais. Qu’importe ! Dumas est toujours en mouvement. Il sillonne l’Europe, va jusqu’à Moscou où il rencontre le Tsar. En 1860, il vient à Naples aider Garibaldi à combattre les Bourbons. Le petit-fils de l’esclave antillaise est devenu une vedette internationale. Il tire de ses grands voyages des récits passionnants. Mais ses forces surabondantes finissent par s’user. De plus en plus épais et glouton (son dernier livre est un grand dictionnaire de cuisine), il vient s’éteindre chez son fils en 1870, à l’âge de 68 ans.
« Mon premier désir est illimité, ma première inspiration va vers l’impossible. »
Alexandre Dumas
Dumas et son époque
Lorsque Alexandre Dumas commence à écrire, le monde littéraire est en effervescence. Les jeunes ne veulent pas se contenter d’écrire de jolis drames ou d’élégants poèmes dans les normes classiques. Byron suscite l’enthousiasme. Goethe et Schiller réinventent le théâtre. Walter Scott fait fortune avec ses romans historiques. Dumas surfe résolument sur cette nouvelle vague. Il sait vers où se dirige le goût des lecteurs. Comme Karl Lagerfeld, il est doté d’un grand talent, d’une énorme force de travail, mais aussi d’une capacité à comprendre les changements en cours dans la société de son temps.
Construire un roman national
L’ambition de l’écrivain ne s’est pas limitée à un succès commercial. Comme George Sand cherchait à parler au peuple en publiant ses romans d’inspiration socialiste dans les années 1840, Alexandre Dumas voulait démocratiser l’Histoire par ses romans tout en rassemblant la nation dans un imaginaire historique collectif. Il y a parfaitement réussi (trop, pour certains !) : notre perception du XVIIe siècle a la couleur des Trois Mousquetaires, la Renaissance a celle de La Reine Margot.
« Nul ne tiendra la place qu’il a occupée, parce que nul ne réunit les conditions nécessaires pour cela. II faudrait non seulement un esprit comme le sien, – et je n’en connais pas un autre, – il faudrait sa verve inépuisable, il faudrait son imagination, il faudrait sa force, sa facilité de travail, il faudrait sa santé, sa vigueur, sa gaieté, ses instincts ; il faudrait ce qu’une seule nature ne réunit pas deux fois dans chaque génération.»
Comtesse Dash
Sa place dans l'histoire de la littérature
S’il a conquis sa notoriété au théâtre, Dumas reste avant tout aujourd’hui comme le roi du roman-feuilleton. Avec son associé Auguste Maquet, il a créé des personnages et des histoires qui continuent aujourd’hui encore à passionner les lecteurs du monde entier.
Cinéma et télévision
Malgré le rôle essentiel de Dumas dans le mouvement romantique et son succès colossal, la postérité universitaire et critique l’a toujours considéré avec un peu de condescendance, comme s’il était impossible de prendre au sérieux des textes produits par un travail collaboratif, et payés à la ligne par les journaux. Mais Dumas n’a pas eu besoin d’une reconnaissance académique pour se survivre à lui-même. Son influence a en réalité bondi au-delà de la sphère littéraire pour créer des personnages et des aventures qui nourrissent encore abondamment le cinéma et la télévision au XXIe siècle, en France et à Hollywood.
« Monsieur, j’étais une de ces bonnes pâtes d’homme que Dieu a fait pour s’animer pendant un certain temps et pour trouver bonnes toutes choses qui accompagnent leur séjour sur la terre. »
Le Vicomte de Bragelonne
Pourquoi Dumas est un écrivain extraordinaire
L’œuvre de Dumas est une jungle immense : impossible d’en faire le tour. Romans historiques, romans de mœurs, drames, essais, articles, dictionnaires, chroniques de voyage, études historiques et même poésies, la diversité de sa production donne le tournis. Malgré un certain désordre qui est le corollaire de cette abondance, les œuvres de Dumas brillent par la vie qui les anime. Voilà un écrivain qui sait raconter une histoire, lui donner le bon rythme, capter et alimenter l’attention du lecteur.
La gloire encore actuelle de Dumas s’explique par ces qualités, mais aussi par l’humanité universelle de ses personnages et par une atmosphère de générosité qui baigne ses œuvres. Cet homme au « moi énorme, débordant, mais pétillant d’esprit » (dixit les frères Goncourt), donne à ses lecteurs le goût de l’histoire, de l’aventure, de l’amour, de l’amitié, de la parole donnée. Plus qu’un écrivain, Alexandre Dumas est un bienfaiteur !
« Je ne serais pas artiste s’il ne me restait pas quelques illusions. »
Le Comte de Monte-Cristo
Œuvres majeures
12 extraits à lire, à écouter et à télécharger
Théâtre
1831
Antony
Après le triomphe de Henri III et sa cour, Alexandre Dumas choisit un sujet contemporain, romantique en diable : Antony est un garçon formidable, mais la société s’oppose à son épanouissement. Lors de la première, le 3 mai 1831, les spectateurs crient, trépignent et pleurent. Une véritable catharsis romantique !
1836
Kean
Edmond Kean est un comédien anglais qui a réellement existé. En mettant sa vie en scène, Dumas met en lumière le paradoxe d’un acteur en pleine gloire mais sans aucune reconnaissance institutionnelle. Une pièce très riche dont Sartre écrira une brillante adaptation en 1953.
Romans
1844
Les Trois Mousquetaires
De sa Gascogne natale, D’Artagnan vient à Paris pour devenir mousquetaire du Roi. Il se lie à la vie, à la mort avec Athos, Portos et Aramis, et les quatre amis traversent des aventures en pagaille.
1844
Le Comte de Monte-Cristo
Edmond Dantès est un jeune homme plein d’avenir sur le point de se marier avec la femme qu’il aime. Hélas ! Des rageux se liguent pour le faire jeter en prison. Lorsqu’il parvient à en sortir 14 ans plus tard, Dantès n’a qu’un objectif en tête : se venger. Chef d’œuvre !
1845
La Reine Margot
Paris, 1572. Alors qu’on marie Marguerite de Valois (Margot) à Henri de Navarre (le futur Henri IV) pour apaiser les tensions entre catholiques et protestants, c’est le massacre de la saint Barthélémy qui se prépare…
1854
Les Mohicans de Paris
Paris, 1827. Ce roman-fleuve raconte le peuple à travers (notamment) les aventures de Salvator, républicain ardent et en rébellion contre le pouvoir monarchique.
Autres
1833
Comment je devins auteur dramatique
Dans ce texte initialement publié dans un journal, Dumas nous raconte ses débuts littéraires qui n’avaient rien de prédestinés. Un récit passionnant qui nous plonge dans l’atmosphère d’une époque.
1833
Gaule et France
L’énergie un peu désordonnée de Dumas ne trouve pas dans l’essai sa forme la plus aboutie. Néanmoins, cette tentative a le grand mérite de montrer la façon dont Dumas comprenait le sens de l’Histoire de France, à une époque marquée par les révolutions et par la construction d’une mémoire collective.
1847
Impressions de voyage
Alexandre Dumas était fait pour voyager. Curieux de tout, d’une énergie inépuisable, extrêmement sociable, il raconte ses aventures dans des récits truculents.
1873
Grand Dictionnaire de cuisine
Un peu comme Rossini, Alexandre Dumas finit par abandonner son art au profit de la cuisine. Et pourquoi pas ? Pendant ses dernières années, il se consacra à la gastronomie et à la rédaction de ce Grand Dictionnaire qui paraîtra après sa mort. Un livre fait pour mettre en appétit !