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La révolution masquée

La vie de Beaumarchais

Pierre-Augustin Caron naît en janvier 1732 à Paris, dans le quartier des Halles, où son père est horloger. Il a cinq sœurs et une famille très vivante : tout le monde fait de la musique, lit, va au théâtre. Pierre-augustin se révèle plutôt doué pour l’horlogerie. A 21 ans, il invente un nouveau mécanisme d’échappement, que l’horloger du roi s’attribue immédiatement. Outré par cette déloyauté, Pierre-Augustin s’enflamme, s’emporte, conteste, fait tant de bruit que l’académie des sciences examine le cas. Il obtient gain de cause. Le roi Louis XV veut connaître ce jeune homme si sûr de lui. C’est le début d’une succession d’aventures étourdissantes !

Amour, gloire et beauté

Pierre-Augustin a un pied à la cour, et on l’aime tant qu’il devient professeur de harpe pour les filles du roi. Parallèlement, il s’associe avec l’homme d’affaires Pâris-Duverney, et réussit à s’enrichir. Il se marie à 24 ans avec une femme très riche qui meurt l’année suivante, accole à son nom l’une de ses terres, Beaumarchais, et même se fait anoblir à 29 ans en achetant la charge de secrétaire du roi. En perpétuel mouvement pour ses affaires, il passe une année en Espagne, puis dans le cadre d’un procès, vole dans les plumes de Goëzmann, membre du Parlement de Paris (la plus haute instance judiciaire), tout en racontant ses démêlés dans des mémoires insolents qui font rire la France et même l’Europe. Mais la faconde du bouillant Beaumarchais va trop loin et il reçoit un blâme du pouvoir royal. Pan sur le bec !

L'aventure, les affaires et le théâtre

Le trublion doit se faire pardonner s’il veut regagner la confiance du roi. On l’envoie en Angleterre pour empêcher la publication d’un écrit diffamatoire contre Mme du Barry, maîtresse de Louis XV. Il réussit, et on le sollicite à nouveau sous Louis XVI. Cette fois, l’auteur échappe à Beaumarchais, qui s’obstine et le poursuit en cavalant à travers l’Europe jusqu’à Vienne où il passe quelque temps en prison : on se méfie de cet homme trop brillant. Parallèlement, Beaumarchais écrit Le Barbier de Séville qui tombe, puis triomphe en 1775 après réécriture. Le théâtre l’amuse, mais les affaires continuent : à partir de 1775, il s’engage pour les insurgés américains et avec le soutien secret du pouvoir royal met sur pied une société navale pour leur apporter des armes, qui ne lui seront pas payées. Jamais découragé, il reprend la plume en 1778 pour écrire son second chef d’œuvre : La folle Journée, ou Le mariage de Figaro. Après un long bras de fer avec la censure, la pièce est jouée en 1784. C’est un triomphe !

Les orages de la révolution

Lorsque la révolution éclate, Beaumarchais est plutôt bien vu. Il se charge de faire venir 60 000 fusils pour armer les soldats de la République mais l’affaire capote, et il devient suspect aux yeux du pouvoir. On le jette en prison. Il frôle la guillotine une demi-douzaine de fois et échappe de justesse aux massacres de septembre. Trop menacé, Beaumarchais émigre de 1793 à 1796, dans la pauvreté et l’angoisse. Peu après la fin de la convention nationale, il retrouve la France, sa femme et sa maison où il meurt d’apoplexie en 1799, à l’âge de 67 ans.

Subsister

« Perdu dans la foule obscure, il m’a fallu déployer plus de science et de calculs pour subsister seulement, qu’on n’en a mis depuis cent ans à gouverner toutes les Espagnes. »

 

Le Mariage de Figaro

Beaumarchais et son époque

Même si, en apparence, le régime politique n’évolue pas du XVIIe au XVIIIe siècle, les mœurs changent profondément. Il y a davantage de mobilité sociale. Le bourgeois n’est plus cet être ridicule qu’a moqué Molière. Il est ambitieux. Il se demande ce que des nullités nobles ont de plus que lui. En ce sens, Figaro incarne un peuple pour qui la noblesse est de moins en moins sacrée. Mais Beaumarchais n’est pas révolutionnaire comme J.-J. Rousseau. A la manière de ses contemporains Casanova et de Lorenzo da Ponte, il est d’abord un hédoniste roturier qui parcourt l’Europe en cherchant plaisir et fortune. A 56 ans, da Ponte émigrera aux tous jeunes États-Unis d’Amérique. Une trajectoire logique, pour ces êtres épris de liberté et d’aventure !

L'opéra

Beaumarchais, Rousseau, Diderot, da Ponte, Casanova… Tous ces personnages ont un point commun : ils sont passionnés de musique. Joueur de harpe lui-même et professeur des filles de Louis XV, Beaumarchais écrira le livret d’un opéra, Tarare, sur une musique du rival de Mozart, Antonio Salieri. Et du vivant de Beaumarchais, Mozart lui-même fera du Mariage de Figaro la matière d’un opéra avec le librettiste da Ponte : l’une de ses plus belles réussites !

Bandeau glacé

«  J’applique à mon front un bandeau glacé pour me tempérer en écrivant. »

 

Mémoire contre Goëzman

Sa place dans l'histoire de la littérature

Depuis Molière au siècle précédent, la comédie se cherchait. Beaumarchais reprend le flambeau avec éclat : après s’être essayé dans des divertissements légers appelés « parades », il renouvelle la comédie dans un feu d’artifices de mots, de réparties corrosives et de chansons. Par rapport à ses prédécesseurs, Beaumarchais prend beaucoup de libertés avec le lieu et avec les personnages. Dans ces jeux de masques, d’identités usurpées, de placards et de trios amoureux, il annonce le XIXe siècle de Feydeau, Labiche et autres. Mais Beaumarchais n’a pas seulement transformé la comédie. Il a aussi agi pour changer la situation de l’écrivain dans la société.

Assurer les droits de l'auteur

Beaumarchais a toujours su faire valoir ses droits. Très jeune, il n’a pas hésité à attaquer un confrère horloger très reconnu, parce qu’il s’estimait lésé. Après le succès du Barbier de Séville en 1775, il n’admet pas qu’en vertu d’un privilège ancien, la pièce soit propriété des comédiens et son revenu réduit à la portion congrue. En créant la première société d’auteurs dramatiques en 1777 (devenue la SACD), il contribue fortement à faire évoluer le statut d’auteur dramatique, qui trouvera sa première expression dans la loi du 13 janvier 1791, garantissant à l’auteur la propriété inattaquable de son œuvre.

Géant

« Le théâtre est un géant qui blesse à mort tout ce qu’il frappe. »

 

Préface au Mariage de Figaro

 

L'extraordinaire Beaumarchais

Beaumarchais est génial dans sa vie comme dans son œuvre. Je n’ai pu ici qu’effleurer les péripéties de son existence si incroyablement dense et mouvementée. La diversité de ses talents est telle qu’on aurait envie de l’appeler dilettante, mais la vérité oblige à reconnaître qu’il est allé très loin dans la plupart de ses entreprises.

Son projet littéraire n’échappe pas à la règle. Les pièces de Beaumarchais (au moins ses deux chefs d’œuvre) sont de véritables fêtes pleines de brillant et de surprises, où l’esprit de ressource de chaque protagoniste est fortement sollicité. Comme vis-à-vis de Beaumarchais lui-même dans sa vie, on se demande à chaque instant comment tel personnage va se sortir d’une situation inextricable. Et l’impossible résolution arrive immanquablement, dans la gaieté et dans la bonne humeur. Cet entrain général n’exclut pas les répliques corrosives, ni quelques passages en mineur, comme le célèbre monologue de Figaro ou la colère de Marceline devant la condition des femmes. A la manière de Watteau, ces touches mélancoliques donnent à l’ensemble une profondeur inattendue.

Courage

« Moins obligé d’avoir du talent, parce que j’ai du courage, la nécessité de combattre un homme puissant est mon passeport auprès des lecteurs. »

 

Supplément au mémoire contre Goëzman

Œuvres majeures

6 extraits à lire, à écouter et à télécharger

1775

Le Barbier de Séville

Le comte Almaviva est amoureux de Rosine, mais la demoiselle est cloitrée chez un vieux bourgeois ridicule, Bartholo. Le valet du comte (Figaro) mettra toute son adresse au service des tourtereaux pour que l’amour triomphe…

1784

Le Mariage de Figaro

Quelques années plus tard. Le comte s’est lassé de Rosine et compte exercer son droit seigneurial sur la fiancée de Figaro. Le pétulant comte est devenu un insupportable tyran et c’est le mariage de Figaro qui est au centre de la pièce. La révolution approche !