Jules Verne et son temps
A l’opposé de son contemporain Flaubert qui s’efforce de montrer la nullité de la science (Bouvard et Pécuchet), Jules Verne est puissamment inspiré par les découvertes et les progrès scientifiques de son temps, où il voit une formidable aventure. Cette épopée est d’abord une exploration : le monde savant veut rationaliser tout ce qui existe, mettre en fiches, classer, répertorier. Animaux, plantes, pierres, ethnies, océans, gaz, etc., rien n’échappe à cette boulimie obsessionnelle et Jules Verne s’en fait l’expression.
D’autre part, l’occident éprouve comme un vertige devant ses réalisations techniques et sa domination sur les autres cultures (nous sommes en pleine colonisation). A cet égard, si Jules Verne reste un homme de son temps, ses récits témoignent d’un constant parti-pris en faveur des minorités et contre l’esclavage (voir Un Capitaine de quinze ans, Nord contre Sud).
La mélancolie du progrès
On sent souvent un doute ou même une ironie mordante à la lecture de Jules Verne. Son écriture a une odeur de vie et de mort. Les sociétaires américains qui envoient le véhicule autour de la lune sont des fanatiques d’armes à feu obsédés par la passion de détruire (De la Terre à la Lune) ; la nature est généreuse mais elle peut nous briser en un instant (L’Ile mystérieuse). L’époque de Jules Verne est la matrice de la nôtre, dans ses victoires comme dans ses impasses. Ses œuvres expriment à mots couverts l’inconscient collectif de la fin du XIXe siècle.
« Si l’anéantissement d’une race est le dernier mot du progrès colonial, les Anglais peuvent se vanter d’avoir mené leur œuvre à bon terme. »
Mistress Branican