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« Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ? dit cet animal plein de rage. »

Le pouvoir

Dans ses Fables, La Fontaine dénonce avec une remarquable constance non pas l’exercice de la force brute, mais plutôt les discours faux qui la déguisent en apparence de droit et de raison. Exemples : « Le loup et l’agneau », « La génisse, la chèvre et la brebis », « Les animaux malades de la peste »… Dans « Le loup et l’agneau », le loup pourrait se saisir de l’innocent ovin sans rien dire ; mais même les méchants ont une demi-conscience et éprouvent le besoin de se justifier par le langage. La « raison » ne devient plus dès lors que « cette apparence de discours que chacun forge en soi » (Montaigne), c’est-à-dire des mots pour endormir les scrupules des uns et des autres.

La Fontaine nous invite donc à aller au-delà des discours : ce n’est pas dans les mots, mais dans le pouvoir, dans la force, que réside la vérité des rapports humains.

La vanité

A peu près en même temps que La Fontaine publiait ses premières fables, le duc de La Rochefoucauld  publiait un livre de maximes gravitant autour de cette idée : l’amour-propre est notre plus grande passion, notre guide, le maître de tout.

La Rochefoucauld était un grand seigneur, contrairement à La Fontaine qui pendant quelques mois fut employé à passer les plats dans la salle à manger d’une duchesse. Mais l’un dans la servitude, l’autre dans la grandeur, par les deux bouts de la lorgnette, ils ont vu la même chose : les hommes sont incroyablement vaniteux, au point de mettre leur vie en jeu parfois, rien que pour se donner le plaisir de chanter (ou d’entendre chanter) leurs louanges.

Voir « La grenouille qui voulait se faire plus grosse que le bœuf », « Le corbeau et le renard », « La tortue et les deux canards »

Tout !

« J’aime le jeu, l’amour, les livres et la musique ;

La ville et la campagne, enfin tout ; il n’est rien

Qui ne me soit souverain bien,

Jusqu’au sombre plaisir d’un cœur mélancolique. »

 

Les amours de Psyché

« La jouissance et les désirs

Sont ce que l’âme a de plus rare. »

La Fontaine, Aimons, foutons.

Le plaisir

La Fontaine ne veut pas convertir ses lecteurs, comme Pascal, ni les instruire, comme Montaigne, ni les bousculer, comme Molière. Non, avant tout, il veut nous donner du plaisir. Et sa morale est souvent assez légère : arrangez-vous avec les évènements, pliez comme le roseau, profitez de la jeunesse, prenez du plaisir là où il y en a car tout cela finira bientôt.

Le poète a écrit aussi des Contes. Ils ne sont plus tellement lisibles aujourd’hui. Ce sont des histoires licencieuses, où le poète flirte avec l’érotique, dans un jeu avec l’interdit qui devait exciter les lecteurs et les lectrices. A une époque où la censure a disparu depuis longtemps, ces récits ont perdu leur sel. C’est dommage, il n’y est question que de plaisir. Par exemple, cette histoire d’une abbesse dépérissant, et à qui les médecins prescrivent de faire l’amour :

Un jouvenceau fait l’opération
Sur la malade. Elle redevient rose,
Œillet, aurore, et si quelque autre chose
De plus riant se peut imaginer.
Ô doux remède, ô remède à donner,
Remède ami de mainte créature,
Ami des gens, ami de la nature,
Ami de tout, point d’honneur excepté.

La mesure

Quelqu’un dit un jour que la France est un peuple de boutiquiers. Le petit commerce. Un comptoir. Trois tables. Quand un Français veut créer un restaurant, c’est toujours un petit restaurant, pas une salle avec deux cents couverts. Allez, on se fait un petit café. Une petite bière. Cet élan pour les « petites » choses est une sorte de pli national qui fait souvent rire les étrangers et nous aimer davantage.

C’est aussi une tendance forte chez La Fontaine, et on peut se demander s’il n’a pas eu d’influence, à cet égard, sur notre état d’esprit, bien des siècles après lui, tant ses fables ont été enseignées génération après génération.

Méfiez-vous de l’ambition, gardez-vous de la grandeur ! Tout est si fragile en ce monde, dit La Fontaine, qu’il vaut mieux savoir profiter de ce qui est à notre portée, dans l’espace et dans le temps. Cette morale n’est pas celle du pionnier, du conquistador ou du capitaine d’industrie, mais c’est elle qui fait de La Fontaine un auteur populaire, avec un côté français moyen :

« Un tien vaut mieux que deux ‘tu l’auras' ».

« Adieu, veau, vaches cochons… »

Conseil

« Aimez, aimez, tout le reste n’est rien. »

 

Eloge de l’amour

« Plutôt souffrir que mourir, c’est la devise des hommes. »

La mort et le bûcheron.