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Une chanson douce

La vie de Paul Verlaine

Paul Verlaine naît en mars 1844 à Metz. Il est couvé par une mère omniprésente, qui lui pardonne tout, et qui vit avec les fœtus de ses fausses couches conservés en bocaux, dans l’armoire du salon. Élève plutôt médiocre, il est passionné par la littérature et par l’écriture. La mort de son père, puis celle de sa cousine Elisa -dont il était amoureux, le marquent profondément. Il commence à boire démesurément. Verlaine oscille entre l’ordre et le désordre. Il semble d’abord s’engager dans une vie de famille normale en épousant la jeune Mathilde Mauté.

Mais en septembre 1871, Rimbaud déboule dans sa vie. Fasciné par le jeune poète ardennais, Verlaine commence à passer ses nuits au cabaret avec lui, se saoule, rentre à pas d’heure et tabasse Mathilde. Un jour qu’il sort chercher des médicaments pour la soigner, il croise Rimbaud dans la rue et part avec lui pour Bruxelles puis Londres, où leur relation devient explosive. L’histoire finit mal : Verlaine tire deux coups de revolver sur Arthur, et passe 18 mois en prison où il s’amende, et se convertit. A sa sortie, il croit pouvoir commencer une nouvelle vie, achète une ferme avec un jeune homme prénommé Lucien, mais les affaires périclitent et l’alcool revient comme un cauchemar. Le jeune homme meurt. Verlaine a le vin mauvais, c’est le moins que l’on puisse dire: cohabitant avec sa mère, il tente de la tuer trois ou quatre fois. Le poète le plus tendre et raffiné de notre littérature finit sa vie dans la reconnaissance littéraire et dans la misère la plus sale, vomissant l’absinthe dans les caniveaux du quartier latin. Il meurt en 1896, à 52 ans.

Vilain bonhomme

Verlaine et son époque

Même si les sympathies de Verlaine allaient plutôt à gauche, on ne peut pas dire qu’il était un poète engagé. Il rencontrait ses amis surtout au cercle des « Vilains Bonshommes« , et au club des « écrivains zutistes », dont il nous reste un « album zutique« . La fréquentation de Rimbaud l’éloigna de ces groupes, moins par leur relation homosexuelle que par le caractère franchement insupportable de l’auteur du « Bateau ivre ». En revanche, après le coup de revolver de Bruxelles, les pratiques pédérastiques de Verlaine constatées par « examen médical » constituèrent un facteur aggravant de sa condamnation judiciaire. Aux yeux de tous, Verlaine était un marginal inquiétant. Et pourtant, il fut pleinement reconnu comme un des plus grands poètes de son temps, y compris par l’État, qui l’aida plusieurs fois financièrement.

Intime

« Son œuvre ne vise pas à définir un autre monde plus pur et plus incorruptible que le nôtre et comme complet en lui-même, mais elle admet dans la poésie toute la variété de l’âme telle qu’elle. Verlaine se propose aussi intime qu’il le puisse ; il est plein d’inégalités qui le font infiniment proche du lecteur. »

 

Paul Valéry

Sa place dans l'histoire de la littérature

Verlaine commence à écrire au milieu des poètes parnassiens : les grandes figures dominantes sont Théophile Gautier, Leconte de Lisle. Qu’est-ce que le Parnasse ? C’est l’art pour l’art, le culte de la beauté, de l’objet littéraire bien poli et bien travaillé. Mais Verlaine cherche à suivre une autre voie, et reprend à son compte la figure du poète maudit, qu’avait inaugurée Baudelaire. Son premier but est d’être lui-même. Il n’hésite pas à tenter toutes les innovations possibles dans la métrique du vers. Jouant avec la césure, le rythme, le pair et l’impair, Verlaine aboutit à des formes légères, balancées, et qui restent dans la tête comme une chanson.

Plus qu’aucun autre poète de son temps, Verlaine tire la poésie vers la musique. C’est aussi en quoi il inaugure la modernité, avec Mallarmé et Rimbaud. Autant que ces deux derniers, il est une figure dissidente et majeure de la poésie du XIXe siècle.

Paradoxe

« Tout le vice possible avait respecté, et peut-être semé, ou développé  en lui, cette puissance d’invention suave, cette expression de douceur, de ferveur, de recueillement tendre, que personne n’a donnée comme lui. »

 

Paul Valéry

Un écrivain extraordinaire

Oublions un peu la vie tragique de Verlaine, et sa liaison avec Rimbaud. Écoutons sa voix, telle qu’elle chante dans ses poèmes simples et raffinés. La force du poète s’impose à travers une candeur apparente. Verlaine n’est pas un révolutionnaire, un météorite comme Lautréamont ou Rimbaud. Il reste à distance du vers libre, et il emploie les mots de tout le monde. Pourtant, il ne ressemble à personne d’autre. Ses poèmes au ton si fragile, si léger jusqu’à l’évanescence, sont puissamment originaux et singuliers. Ils expriment ce qu’on ne peut transmettre autrement que par la poésie : le son propre d’une âme.

Œuvres majeures

14 poèmes à lire, à écouter et à télécharger

1866

Poèmes saturniens

Dès son premier recueil, Verlaine fait entendre une voix singulière en des poèmes très personnels qui détonnent avec la poésie de l’époque.

1869

Fêtes galantes

Dans cette évocation des œuvres de Watteau, on fait la fête, on se courtise, mais sur une tonalité mineure : la mort est aux aguets, tapie dans l’ombre.

1870

La bonne chanson

Si Verlaine a beaucoup été mis en musique, et en chansons, ce n’est pas un hasard : ses poèmes sont faits pour être fredonnés. La bonne chanson est le recueil que Verlaine préférait.

1874

Romances sans paroles

« De la musique avant toute chose ! » Un poème de Verlaine chante d’abord à l’oreille avant de parler à l’intellect. D’où ce titre, emprunté à l’œuvre de Mendelssohn.

1880

Sagesse

Sagesse ouvre une nouvelle période dans la vie de Verlaine. Converti, aspirant à une vie nouvelle, ses poèmes ont l’empreinte d’une nostalgie déchirante de la sérénité.

1884

Parallèlement

Verlaine chante l’érotisme dans ce recueil au titre assez transparent. On peut préférer ces poèmes parfumés à ceux du recueil archi-pornographique Hombres (« Un peu de merde et de fromage…« ).

1884

Jadis et naguère

Les poèmes de ce recueil publié en 1884 s’échelonnent en réalité sur une quinzaine d’années, et forment un beau panaché des facettes de Verlaine !