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L'énergie des lumières

La vie de Diderot

Denis Diderot naît à Langres en octobre 1713. Son père est un artisan coutelier qui l’envoie étudier chez les Jésuites. Denis est un élève brillant. On essaie d’en faire un curé. Il monte à Paris mais, même s’il suit des études de théologie, le chenapan prend goût à la vie de café et à la bohème. En 1742, il rencontre Jean-Jacques Rousseau, et les deux écrivains en herbe forment avec Condillac un groupe d’amis plein d’enthousiasme pour les idées nouvelles. Avec beaucoup d’énergie et un peu de désordre, Diderot se passionne pour les mathématiques, apprend l’anglais, s’essaie à la traduction, publie même un roman libertin, Les Bijoux indiscrets. C’est un jeune homme amoureux de la liberté qui tente de vivre de sa plume, sans se mettre au service d’un puissant qui lui apporterait argent, protection et contraintes.

L'Encyclopédie

En 1747 -il a 34 ans, une grande idée va donner une direction à sa vie dispersée. Avec son ami d’Alembert, il se donne pour mission de mener à bien un projet fou, d’une ambition inédite : rassembler dans un ouvrage l’ensemble des connaissances de son temps, sur tous les sujets, de la botanique arabe à la politique suisse. C’est l’Encyclopédie, une aventure collective qui va durer 25 ans.

Diderot est entouré de beaucoup d’amis, d’une famille, et d’une maîtresse à qui il écrira les lettres les plus charmantes du XVIIIe siècle : Sophie Volland. Pour mettre en œuvre le projet encyclopédique, il peut aussi compter sur le soutien actif de Voltaire, de Marmontel, de Grimm et de beaucoup d’autres contributeurs.

Œuvres secrètes

Et en son propre nom, que fait-il, ce bouillant personnage ? Il écrit des livres pleins de vivacité et d’intelligence. Mais le pouvoir surveille cet « auteur impie », et pour sa Lettre sur les aveugles, Diderot est jeté en prison quelques mois. Il fera donc connaître ses œuvres suivantes de manière très confidentielle. Ainsi Jacques le fataliste et son maître, Le Neveu de Rameau, La Religieuse resteront inconnus de son vivant. Une fois le projet encyclopédique achevé, en 1773, ce Parisien sédentaire ira conseiller Catherine de Russie à Saint-Pétersbourg. Il y restera l’hiver. A son retour, son activité faiblit. Il meurt dans son fauteuil en 1784.

Tempérament

« Je ne saurais vous dire ce que la droiture et la vérité font sur moi. Si le spectacle de l’injustice me transporte quelquefois d’une telle indignation que j’en perds le jugement, et que, dans ce délire, je tuerais, j’anéantirais ; aussi celui de l’équité me remplit d’une douceur, m’enflamme d’une chaleur et d’un enthousiasme où la vie, s’il fallait la perdre, ne me tiendrait à rien : alors il me semble que mon cœur s’étend au dedans de moi, qu’il nage ; je ne sais quelle situation délicieuse et subite me parcourt partout ; j’ai peine à respirer ; il s’excite à toute la surface de mon corps comme un frémissement ; c’est surtout au haut du front, à l’origine des cheveux qu’il se fait sentir »

 

A Sophie Volland, 18 octobre 1760

Diderot et son temps

La mort de Louis XIV en 1715 amène un grand relâchement dans le royaume de France. On s’autorise de plus en plus de critiques. On s’étonne de ce qui allait de soi. Dans ses Lettres Persanes (1722), Montesquieu parle du défunt roi comme d’un vieillard inconséquent et futile. Auparavant confinée dans des traités savants écrits en latin, à présent la philosophie se mêle de tout. Elle infiltre les milieux les plus proches du pouvoir royal. Même le chef de la censure d’Etat, Malesherbe, est acquis à la cause des philosophes et les aide du mieux qu’il peut. Mais la condamnation du chevalier de La Barre (1766) et l’affaire Calas rappellent à tout le monde que les puissants peuvent frapper très fort. Entre Diderot et le pouvoir, c’est donc le jeu du chat et de la souris.

Lumières croisées

En venant rendre visite à son ami Diderot jeté en prison pour sa Lettre sur les aveugles, Rousseau a une illumination qui sera le point de départ de sa pensée. Les deux hommes en discutent à travers les barreaux. Tous les philosophes se lisent, se critiquent et se fâchent dans un grand chahut. Les encyclopédistes ne sont pas toujours d’accord entre eux. Mais tous croient en la raison et apporteront leur contribution à l’ouvrage commun.

Qu'est-ce qu'un être ?

« Qu’est-ce qu’un être ?… La somme d’un certain nombre de tendances… Est-ce que je puis être autre chose qu’une tendance ?… Non. Je vais à un terme… »

 

Le Rêve de d’Alembert

Sa place dans l'histoire de la littérature

Pour ses contemporains, qui était Diderot ? L’homme de l’Encyclopédie bien sûr, projet hautement assumé, mais aussi un auteur de théâtre. En revanche, certainement pas l’auteur de La Religieuse et de Jacques le Fataliste : la plupart de ses œuvres ont attendu la révolution française pour être imprimées. Le Neveu de Rameau, quant à lui, a connu un drôle de destin. Après la mort de Diderot, Goethe a pu lire le manuscrit et l’a trouvé « très fort ». Il le traduit en allemand en 1805. Le manuscrit s’est ensuite perdu, et le public français n’a connu l’œuvre que par une traduction de la traduction de Goethe en 1821, avant qu’on ne découvre par hasard le manuscrit original chez un bouquiniste en 1891.

Un combattant de la liberté

L’activité littéraire de Diderot prend des expressions très variées : le recueil de pensées philosophiques, l’Encyclopédie, les contes, les dialogues scientifiques, un roman, la critique d’art, les œuvres collaboratives. Est-il philosophe ? Est-il écrivain ?  C’est peut-être dans le mélange de ces deux natures que réside son influence la plus féconde, une sorte de spécialité française revisitée de siècle en siècle jusqu’à Sartre et Michel Tournier. Mais avant tout, il reste pour nous une force créatrice et critique au siècle des Lumières, et l’un des héros de la liberté de penser.

Pourquoi Diderot est un écrivain extraordinaire

A l’instar de son temps, Diderot n’est pas un poète ; mais l’intelligence et la sensibilité sont deux qualités qu’il porte à un degré extrême. Diderot est une sorte de mobylette ou de scooter. Il se faufile dans les embouteillages de la pensée. C’est l’écrivain le plus vif, le plus intelligent qui soit. Qu’il décrive l’éclosion d’un œuf ou bien la révolte d’une jeune femme enfermée au couvent, Denis Diderot est prodigieusement vivant. Il ne suit pas les chemins tout tracés, il coupe à travers, se perd, rencontre une foule d’idées nouvelles, retrouve sa route, part encore à travers champs. Et surtout, il se déguise : Mademoiselle de Lespinasse, Bordeu, d’Alembert, Jacques, le professeur Saunderson (de la Lettre sur les aveugles), tous ces personnages sont les voix multiples de Diderot, écrivain complexe et paradoxal qui donne à son lecteur la sensation de la liberté.

Protocole et génie

« Celui qui a besoin d’un protocole n’ira jamais loin ; les génies lisent peu, pratiquent beaucoup et se font d’eux-mêmes. »

 

Le Neveu de Rameau

 

Œuvres majeures

13 extraits à lire, à écouter et à télécharger

Note sur les dates d’édition : La plupart des œuvres de Diderot ont paru d’abord de son vivant dans la Correspondance littéraire de Grimm, sous forme de copies manuscrites destinées à une quinzaine de têtes couronnées en Europe, avec interdiction de les faire circuler. On ne peut donc parler à ce propos d’édition. La date de référence indiquée correspond donc à la première impression destinée au grand public.

1795 (posthume)

Essai sur la peinture

Diderot a donné sa forme moderne à la critique d’art en ajoutant à la description des tableaux une évaluation de la qualité des peintres. Ici, il montre l’artiste aux prises avec l’insaisissable : comment peindre l’éphémère de la chair ?

1796 (posthume)

Ceci n'est pas un conte

Pourquoi donc ce conte n’est-il pas un conte ? Peut-être parce que la morale en est absente. Le sens du sacrifice, la grandeur d’âme et la bonté ne sont pas récompensées en ce bas-monde. Et les sons discordants de nos passions désunies font crier l’âme de Diderot.

1796 (posthume)

Supplément au voyage de Bougainville

Au XVIIIe siècle, les voyages au bout du monde se multiplient et les européens rencontrent des civilisations totalement différentes des leurs. Faut-il les laisser vivre ? En tirer profit ? Les philosophes du siècle ont clairement pris parti contre la colonisation.

1796 (posthume)

Jacques le fataliste et son maître

Ce drôle de livre joue avec les codes du roman et avec le lecteur, comme un chaton avec une pelote de laine. Un maître et son domestique parcourent la campagne à la recherche d’une philosophie qui pourrait éclaircir les mille aventures qu’ils vivent et entendent raconter.

1796 (posthume)

La Religieuse

Une jeune femme est cloitrée dans un monastère contre son gré. Animée par une volonté inflexible d’en sortir, elle découvre un milieu artificiel et répressif, une détestable usine à névroses… Diderot signe là une grande réussite !

1821 (posthume)

Le Neveu de Rameau

Les interrogations de Diderot se bousculent dans ce dialogue étonnant, où l’interlocuteur semble échappé d’un roman de Dostoïevski. Que se passerait-il si l’on ne jouait pas le jeu de la morale ? Et si l’on se regardait sans se mentir ?

1830 (posthume)

Paradoxe sur le comédien

Le XVIIIe siècle avait la passion du théâtre et Diderot s’en est beaucoup occupé. Ce petit essai connaîtra une grande fortune en ouvrant une question toujours actuelle : le bon comédien doit-il éprouver réellement les sentiments qu’il joue ?

1830 (posthume)

Entretien entre d'Alembert et Diderot

Le premier des trois dialogues souvent rassemblés sous le nom du second, « Le Rêve de d’Alembert », est un passionnant voyage philosophique à l’époque des Lumières, où la sensibilité tient autant de place que le matérialisme…

1847 (posthume)

Lettres à Sophie Volland

A quarante ans, Diderot tombe amoureux d’une femme, Sophie Volland, et lui enverra jusqu’à sa mort des lettres charmantes où il est tout entier lui-même, débarrassé de la censure, virevoltant, léger, passionné, sensible.

Les œuvres de Denis Diderot

Romans

Les Bijoux indiscrets (1748)

La Religieuse (écrit en 1780, publié en 1796)

Jacques le Fataliste et son maître (écrit de 1765 à 1784, publié en 1796)

Contes

Les Deux Amis de Bourbonne (écrit en 1770, publié en Suisse en 1773)

Madame de la Carlière (écrit en 1772, publié en 1798)

Ceci n’est pas un conte (écrit en 1772, publié en 1796)

Supplément au Voyage de Bougainville (écrit en 1772, publié en 1796)

L’Oiseau blanc : conte bleu (écrit en 1748, publié en 1796)

Essais littéraires et philosophiques

Pensées philosophiques (1746)

De la Suffisance de la religion naturelle (écrit en 1746, publié en 1770)

La Promenade du sceptique (écrit en 1747, publié en 1830)

Lettres sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient (1749)

Lettres sur les sourds-muets (1751)

Suite de l’apologie de M. l’abbé de Prades (1752)

Pensées sur l’interprétation de la nature (1753)

Discours sur la poésie dramatique (1758)

Additions aux Pensées philosophiques (1770)

Principes philosophiques sur la matière et le mouvement (écrit en 1770, publié en 1792)

Regrets sur ma vieille robe de chambre (1769)

Paradoxe sur le comédien (1830)

L’Histoire et le secret de la peinture en cire (1755)

Lettre sur l’Examen de l’Essai sur les préjugés (1937)

Réfutation suivie de l’ouvrage d’Helvétius intitulé De l’homme, (écrit en 1772, publié en 1875)

Articles de l'encyclopédie

Environ 3500 articles de l’encyclopédie ont été rédigés par Diderot lui-même.

Théâtre

Le Fils Naturel ou les Épreuves de la Vertu (1757)

Le Père de Famille (1758)

Est-il bon ? Est-il méchant ? (écrit de 1775 à 1784, publié en 1834)

Dialogues

Entretien sur Le Fils naturel (1757)

Le Neveu de Rameau (écrit entre 1762 et 1773, publié en France en 1821)

Le Rêve de d’Alembert (écrit en 1769, publié en 1830)

Entretien d’un Père avec ses Enfants (1773, en Suisse)

Entretien d’un philosophe avec la maréchale de *** (1776)

Mystification, ou l’histoire des portraits (écrit en 1768, publié en 1951)

Essais scientifiques

Mémoire sur différents sujets de mathématiques (1748)

Mémoire sur la cohésion des corps (écrit en 1761, publié en 1875)

Eléments de physiologie (inachevé, publié en 1875)

Essais politiques

Lettre sur le commerce des livres (écrit en 1763, publié en 1861)

Principes de politique des Souverains (écrit entre 1774 et 1776, publié en 1798)

Les Eleuthèromanes (Poème écrit en 1772, publié en 1884)

Observations sur le Nakaz (1774)

Plan d’une Université (1775)

Essai sur les Règnes de Claude et de Néron (1782)

Compte-rendus et essais sur l'art

Les Salons (neuf salons, de 1759 à 1781)

Essais sur la peinture (annexe au Salon de 1765)

Pensées détachées sur la peinture, la sculpture, l’architecture et la poésie (écrit en 1776)