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© Laure Albin-Guillot / Archives André Gide de la Fondation Catherine Gide.

L'inquiéteur

La vie d'André Gide

André Gide naît en juin 1869 à Paris. Ses parents sont protestants. André est âgé de dix ans lorsque son père meurt. Sa mère suit son éducation de près. Rétif à l’école qui restera pour lui un environnement hostile, il découvre la littérature avec passion et entre rapidement dans le milieu littéraire et artistique parisien.

A 23 ans, il part pour la Tunisie avec un peintre, Paul Laurens. C’est l’éblouissement. Loin de sa mère et d’une atmosphère puritaine, il découvre le soleil et son homosexualité. Mais il la dissocie totalement de l’amour, au point demander bientôt sa cousine Madeleine en mariage. Drôle de personnage ! L’atmosphère puritaine de leur éducation ne vient pas faciliter leur dialogue et ce n’est que plus de vingt ans après leur mariage blanc que Madeleine découvre les attirances de son mari pour les hommes (jeunes, de préférence).

Ses premiers livres sont écrits sous l’influence du symbolisme (Les Cahiers d’André Walter). Même si ses œuvres se vendent peu, il participe très activement au bouillonnement artistique et littéraire de son milieu culturel, d’abord en tant que chroniqueur dans des revues, puis en tant que chef de file d’une nouvelle parution, qui aura une importance considérable dans l’évolution de la littérature en France.

La NRF

C’est la « Nouvelle revue française », ou NRF, créée en 1909. Sans en être le directeur, Gide en est l’animateur et il est chargé de trouver de nouveaux talents. Son influence grandit notamment parmi par les jeunes. Les polémiques pleuvent : comme Socrate avant lui, André Gide est accusé de corrompre la jeunesse. Ainsi qu’il le dira lui-même, Gide est un « inquiéteur » professionnel. Dans des œuvres comme l’Immoraliste ou Les Nourritures terrestres, il s’en prenait au couple ou à la famille. A partir des années 20, son engagement prend un tour plus social.

Contre le stalinisme et la politique coloniale

En 1925, alors que Les Faux-monnayeurs paraissent et que la publication de Si le grain ne meurt se prépare, qui fera scandale, Gide entreprend un long voyage de neuf mois en Afrique équatoriale et revient avec un livre qui met en accusation la politique coloniale. Par la suite, il se rapproche du parti communiste et il est invité à Moscou en grande pompe par Staline. Comme à son accoutumée il ne transige pas avec son exigence de vérité : son Retour de l’URSS, extrêmement critique, lui vaudra la haine et les insultes du parti qui croyait l’avoir enjôlé.

Quand la seconde guerre mondiale survient, Gide est vieux. Il se retire dans le sud de la France puis en Afrique du nord. Après guerre il n’écrit guère plus, si ce n’est son colossal Journal entrepris depuis ses vingt ans, et qui demeure peut-être son œuvre maîtresse. Nobélisé en 1947, il s’éteint en 1951, à l’âge de quatre-vingt un ans.

N'être pas où l'on me croit

« J’aime le jeu, l’inconnu, l’aventure : j’aime à n’être pas où l’on me croit ; c’est aussi pour être où il me plaît, et que l’on m’y laisse tranquille. Il m’importe avant tout de pouvoir penser librement. »

 

Si le grain ne meurt, partie 1, ch. IX

Gide et son époque

André Gide est un personnage bien intéressant pour comprendre la première moitié du vingtième siècle. Ondoyant et divers, il n’est jamais où on l’attend mais se confronte à toutes les questions importantes de son temps.

Il est d’abord le produit d’une éducation puritaine : toute sa vie, il ne cessera de se débattre entre son désir et les interdits. Il est aussi le produit de la grande bourgeoise. Mais rien ne lui répugnera plus que l’autosatisfaction de sa classe d’origine : bourgeois lui-même, il se rendra pourtant en Afrique pour un long voyage et suscitera la colère de la droite après sa dénonciation des pratiques coloniales. Un temps compagnon du parti communiste, il publie à son retour d’URSS un réquisitoire contre le régime stalinien qui lui vaudra une bordée d’injures et la haine du parti.

André Gide ne perd jamais le nord et c’est ce qui rend sa parole si précieuse et si écoutée, tout en exaspérant les fanatiques de tous bords. Il est le genre de personne qui répond toujours à tout « Oui, mais… » Gide s’engage plein d’ardeur et d’espoir mais sans jamais perdre ni lucidité ni rigueur morale. Il est la conscience de son temps.

Bien juger

« Pour bien juger de quelque chose, il faut s’en éloigner un peu, après l’avoir aimé. Cela est vrai des pays, des êtres, et de soi-même. »

 

Journal, 27 mars 1924.

Sa place dans l'histoire de la littérature

De son vivant, Gide eut une influence considérable auprès d’une jeunesse qui avait soif de liberté. Pourtant, il n’a jamais cherché à fonder d’école ou de courant, et encore moins à avoir de disciples. Aussitôt qu’il adoptait un point de vue, il lui fallait nécessairement prendre le contrepied dans le livre suivant, et ainsi de suite. L’homme, comme son héritage littéraire, est insaisissable, c’est ce qui fait son charme et son intérêt.

Ses oeuvres n’entrent pas dans les formes littéraires classiques, il leur préfère de courts récits qu’il appelle « soties » et son seul roman, Les faux-monnayeurs, adopte une narration très singulière qui se démarque des productions littéraires de son temps.

André Gide a plusieurs faces. Dans l’histoire de la littérature, il reste aussi comme une sorte de jardinier des lettres françaises, découvrant, encourageant, critiquant, protégeant les jeunes pousses. Par son immense culture et la place charnière de sa génération, il a fait le lien entre les anciens et les modernes. Son attachement à une langue très pure ne l’a pas empêché de repérer des talents très différents de lui, comme Henri Michaux, et de soutenir les surréalistes à leurs débuts.

Pousser chacun dans sa voie

« Je ne comprends pas trop ce qu’ils appellent « mon influence ». Où la voient-ils ? Je ne me reconnais nulle part. C’est ce qui diffère le plus de moi que je préfère et je n’ai jamais cherché qu’à pousser chacun dans sa voie, dans sa joie. Un bon maître a ce souci constant : enseigner à se passer de lui. »

Journal, 10 février 1922

Pourquoi Gide est un écrivain extraordinaire

Peut-on écrire mieux que Gide ? Pas sûr. En matière de style classique, il est ce que l’on appelle une référence. Il apporte une attention extrême au choix des mots, à la justesse de l’expression, à la fluidité de l’ensemble. Sous le naturel qu’il revendique se cache une extraordinaire exigence dans l’écriture, et une vigilance de tous les instants. L’emphase romantique n’est pas sa tasse de thé.

Le charme encore actuel de son style montre que le classicisme, même s’il est né en France au XVIIème siècle, est bien davantage qu’une couleur d’époque : c’est d’abord une recherche de justesse, de mesure, de clarté, de richesse harmonique, qui peut trouver une expression en tous temps et générer des écrits suscitant admiration et scandale.

Paradoxe

« L’art nait de contraintes, vit de lutte, meurt de liberté »

 

Nouveaux Prétextes

Les images créditées proviennent du fonds d’archives André Gide de la Fondation Catherine Gide.

Œuvres principales

10 extraits à lire, à écouter et à télécharger

Romans et récits

1895

Paludes

Écrit en trois mois dans « un état d’inconscience presque total », Paludes est un petit récit très réussi, drôle et plein d’autodérision. Paludes, c’est l’histoire d’un écrivain essayant d’écrire Paludes pour se sortir d’une existence mesquine et répétitive : y parviendra-t-il ?

1897

Les Nourritures terrestres

Lorsqu’elles parurent en 1897, Gide avait 28 ans, Les Nourritures terrestres n’eurent aucun succès. C’est peu à peu que le livre devint une sorte de manifeste de libération pour une jeunesse bourgeoise écrasée de principes et de possessions.

1902

L'immoraliste

Michel est un professeur tout chargé d’érudition. Ses travaux le conduisent en Italie et en Afrique du nord. Sous ces nouveaux climats, il tombe malade. Toute une part de son être, étouffée par son éducation et son savoir, demande à vivre et à se développer…

1925

Les Faux-monnayeurs

Roman tissé de plusieurs points de vue qui s’entrecroisent, Les Faux-monnayeurs sont une superbe réussite de Gide. Quel est son thème ? Difficile à dire. Disons que la fausse monnaie, celle des sentiments, de la morale et de la littérature, est un bon point de départ.

1926

Si le grain ne meurt

Si le grain ne meurt est une tentative d’autobiographie d’André Gide, de sa petite enfance à son mariage. Ce livre a marqué son époque, car l’auteur fait de la lutte entre sa sexualité et la répression du sexe un élément fondamental dans la construction de sa personnalité. Mais il a bien d’autres aspects intéressants, et on peut aussi bien se laisser porter par le charme du style de l’auteur relatant une simple expérience de chimie.

Récits de voyage

1928

Retour du Tchad

Agé de 57 ans, André Gide partit en juillet 1926 pour un voyage de 9 mois en Afrique équatoriale, à travers forêt, fleuves, savane, à cheval, à pied, ou en chaise à porteurs. Il en tira deux livres, Le Voyage au Congo et le Retour du Tchad (sa suite), où il se montra très critique envers le monde colonial. Les livres firent polémique et aboutirent à des réformes.

1936

Retour de l'URSS

Au début des années 1930, André Gide se rapproche du parti communiste français et se prend de passion pour la révolution russe. A l’invitation des autorités soviétiques, il se rend  en URSS au mois de juin 1936. Hélas ! Quelle déception ! Dans le Retour de l’URSS, il raconte ce qu’il parvint à voir malgré les soins de ses « guides » pour le lui cacher.

Œuvres intimes

1889-1949

Journal

André Gide est un écrivain très attachant : on le sent inquiet, souvent courageux, doutant de tout et de lui-même, mais capable d’enthousiasmes et infiniment curieux des êtres et du monde. La lecture de son Journal est un régal de culture et d’humanisme.