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La marche mystique

La vie de Péguy

Charles Péguy naît à Orléans en janvier 1873. Sa mère est rempailleuse de chaise, son père meurt à peine un an après sa naissance. La famille se bat courageusement contre la pauvreté. Charles découvre l’école avec émerveillement. C’est un excellent élève, et il finit par être admis à l’école normale supérieure. La suite devrait être une carrière dans l’enseignement. Mais non. Péguy a rencontré Jaurès et le socialisme. Il s’y engage à fond, renonce à l’enseignement pour fonder avec quelques amis une librairie socialiste. Mais Péguy est intransigeant et il n’accepte pas de remettre en cause ses convictions à l’heure où l’on essaie de faire émerger un mouvement national fédérateur. Il refuse les compromis et se retrouve seul.

Les Cahiers de la quinzaine

Grâce aux fonds de sa femme Charlotte, il fonde en 1900, dans une petite boutique du quartier latin, Les Cahiers de la Quinzaine. Dans cette revue qu’il rédigera pratiquement seul, il engage des polémiques très dures mais il développe aussi sa pensée, qui devient profondément chrétienne. Père d’une famille au bord de la pauvreté, solitaire dans ses combats intellectuels, sa vie est un combat permanent. Lorsque la première guerre mondiale éclate, il s’engage avec ardeur, convaincu que le sort le plus beau était de mourir pour ce qu’on aime. Guidant ses soldats à l’attaque le 5 septembre 1914, il est tué d’une balle en plein front.

Enfance

« Tout est joué avant que nous ayons douze ans. »

 

L’Argent

Péguy et son temps

Charles Péguy vient du peuple et il le sait. Pendant ses études, il se convertit au socialisme. Nous sommes à la fin du XIXe siècle. L’affaire Dreyfus éclate. Alors que ses amis politiques voient d’abord un bourgeois en Alfred Dreyfus, Charles Péguy s’engage à fond pour défendre l’innocent persécuté, et monte même une brigade à l’école normale supérieure pour intervenir là où les professeurs juifs ou dreyfusards sont menacés. Son engagement est total : « Nous fussions morts pour Dreyfus ». Socialiste, il se méfie de l’autorité et des grandes fédérations où la politique prend le pas sur la cause. En 1900, il lance Les Cahiers de la Quinzaine, et se bat de toutes ses forces contre la Sorbonne et contre ce qu’il nomme « le parti intellectuel », c’est-à-dire l’Université dans le monde moderne naissant (voir ce texte de L’argent, suite). Mais vers 1908, à 35 ans, il retrouve la foi.

Seul contre tous

Il publie sa Jeanne d’Arc en 1910. Toute la droite conservatrice, Maurice Barrès en tête, croit alors que l’écrivain rejoint ses rangs et lui ouvre les bras. Mais Péguy met rapidement les choses au clair dans Notre Jeunesse, où il réaffirme ses engagements passés et proclame sa fierté indéfectible d’avoir soutenu Dreyfus. Rejeté alors par la droite et par la gauche, il se retrouve seul, et tout le monde fait silence autour de son nom. Cruel, pour cet homme qui voulait rester fidèle à lui-même, mais qui rêvait aussi de reconnaissance littéraire.

Mauvaise pensée

« Il y a quelque chose de pire que d’avoir une mauvaise pensée. C’est d’avoir une pensée toute faite. »

 

Note Conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne.

 

Sa place dans l'histoire de la littérature

Charles Péguy eut un destin étrange. Il est resté largement ignoré du grand public de son vivant. Mais sa mort à la guerre donna à sa vie et à son œuvre un relief extraordinaire. On s’aperçut de la cohérence et de la profondeur d’un écrivain tenu jusque là pour un agité. Il devint une figure héroïque pour les nationalistes, pour Vichy, pour le gaullisme,  pour le christianisme social et la gauche anarchiste. Aujourd’hui, des hommes aussi dissemblables qu’Alain Finkielkraut et Edwy Plenel s’en réclament. Mais il suffit de le lire pour voir qu’il déborde tous ces camps. Il est d’abord l’écrivain de ceux qui ne renoncent pas et qui ont, sous quelque forme que ce soit, le sens du sacré.

Une écriture singulière

Venant du peuple, Péguy a-t-il été un écrivain populaire ? A vrai dire, son œuvre n’a pas eu un succès public massif ; en revanche, elle a compté pour beaucoup d’écrivains, en France et à l’étranger (Thomas Bernhard, Geoffrey Hill…). Péguy n’a jamais cherché à être élégant, à plaire ou à faire joli ; il a voulu avant tout être lui-même. C’est ce caractère extrêmement personnel qui rend son œuvre si moderne aujourd’hui.

Lâchetés

« On ne saura jamais tout ce que la peur de ne pas paraître assez avancé aura fait commettre de lâchetés à nos Français. »

 

Notre Jeunesse

 

Pourquoi Péguy est un écrivain extraordinaire

Charles Péguy, c’est un peu comme l’andouillette : on adore ou on déteste. Il est donc compréhensible que Marcel Proust, qui aimait le thé, les madeleines, et les tenues de soirée, détestât franchement les œuvres de Péguy. Le premier aspect qui surprend chez lui, c’est cette reprise incessante d’une même idée, un peu comme un boulanger étend, aère, concentre, masse sa pâte.

Pour Péguy, il n’y a pas de mot propre : la réalité est irrémédiablement hétérogène aux mots, aux concepts. Il multiplie donc les points de vue, les perspectives. Il montre son travail en train de se faire, dans la durée. Le lecteur l’accompagne dans sa marche patiente. Et c’est un voyage qui peut mener loin.

La seule force

« La seule force, la seule valeur, la seule dignité de tout ; c’est d’être aimé. »

 

Notre Jeunesse

Œuvres majeures

13 extraits à lire, à écouter et à télécharger

1910

Le Mystère de la charité de Jeanne d'Arc

Charles Péguy avait déjà écrit une Jeanne d’Arc à 25 ans, alors qu’il était socialiste et athée. Il écrit une deuxième Jeanne d’Arc après sa conversion, et la fait paraître en 1910. Elle sera plus intérieure, plus personnelle.

1910

Victor-Marie, Comte Hugo

Tout en méditant sur lui-même et sur le temps qui passe, Péguy écrit des pages étonnantes et rafraîchissantes sur Corneille et sur la poésie de Victor Hugo, en montrant comment le talent, le remplissage et les coups de génie s’articulent dans un poème.

1910

Notre Jeunesse

Après la parution du Mystère de la charité de Jeanne d’Arc, la droite nationaliste et anti-dreyfusarde croit pouvoir compter Péguy dans ses rangs. Celui-ci écrit Notre Jeunesse pour réaffirmer sa défense de Dreyfus, et sa conviction que la politique doit se nourrir de la mystique qui l’a générée.

1912

Le Porche du mystère de la deuxième vertu

Un titre compliqué pour l’une des plus belles oeuvres de Charles Péguy, qui déploie ici sa foi chrétienne dans des pages très fortes et originales.

  • L'espérance

    Le Porche du mystère de la deuxième vertu

  • La nuit

    Le Porche du mystère de la deuxième vertu

1913

La Tapisserie de Notre-Dame

La poésie versifiée de Charles Péguy est peut-être plus l’œuvre d’un artisan que d’un génie visionnaire. Mais ses vers sont toujours animés d’une force lente, persistante, et qui finit par envoûter le lecteur.

1913

L'argent

L’Argent et L’Argent, suite sont des pamphlets contre la Sorbonne, incarnée par des professeurs aujourd’hui un peu oubliés. Mais derrière la Sorbonne, derrière l’argent (dont il est peu question ici), c’est le « monde moderne » que Péguy définit et dénonce.

Posthume

Clio

Disciple du philosophe Henri Bergson, Péguy tente de prolonger sa pensée sur un plan historique. L’Histoire sera donc incarnée par sa muse, Clio, vieille femme toute racornie et fatiguée par les évènements des siècles passés.

Posthume

Note conjointe sur M. Descartes

Certainement le meilleur essai de Charles Péguy. Il y donne des aperçus saisissants sur la philosophie bergsonienne, tout en évoquant la tentation de céder à l’indifférence à mesure que le temps passe.

Posthume

Quatrains

Écrits entre 1911 et 1912, ces quatrains n’ont pas été publiés de son vivant. Et pour cause, ils ont été écrits dans la douleur de son amour pour Blanche Raphaël, auquel il ne voulait pas céder. On comprend dans ces poèmes combien la sensibilité de Péguy l’a fait vivre avec intensité, dans la douleur et dans la joie.