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La force d'âme

La vie de Pierre Corneille

Pierre Corneille naît en juin 1606 à Rouen, au sein d’une famille aisée. C’est un élève très doué, qui excelle spécialement dans les exercices d’éloquence et le théâtre dont la pratique était encouragée dans les collèges jésuites. Ce jeune homme discret poursuit ensuite des études de droit, et exerce le métier d’avocat dès l’âge de 23 ans. En parallèle, il écrit des comédies, jouées à Rouen puis à Paris. Sa renommée grandit peu à peu.

Le Cid et la gloire

En 1637, Pierre Corneille a 31 ans et il fait représenter Le Cid à Paris. C’est un évènement considérable et polémique. Il invente un nouveau style qui ulcère les académiciens. Mais l’avocat-écrivain triomphe de l’adversité : cinq tragédies « romaines » suivent (Horace, Cinna, Polyeucte, La mort de Pompée), qui le font reconnaître comme le plus grand tragédien de son temps. Il connaît son premier échec avec Pertharite (1652). Pendant quelques années, il n’écrit plus pour le théâtre. Mais ses pièces sont souvent jouées et il devient presqu’un classique de son vivant, préfaçant et commentant ses propres œuvres. Encouragé par Fouquet, il finit par créer de nouvelles tragédies et notamment un chef d’œuvre, Suréna, écrit à l’âge de 69 ans. Pierre Corneille meurt en 1684, à l’âge de 78 ans.

But

« La poésie dramatique a pour but le seul plaisir des spectateurs. »

Préface, 1663

 

Sa place dans l'histoire de la littérature

On l’a un peu oublié, mais Corneille a commencé par écrire des comédies. Dans sa jeunesse, le genre n’existait pas vraiment. Il s’agissait plutôt de farces d’inspiration souvent espagnole ou italienne. On se tapait sur les cuisses devant des personnages-types caricaturaux (comme Matamore, par exemple). Corneille a cherché à apporter plus de subtilité, à provoquer un sourire plus fin chez le public. Par ailleurs, ses comédies mettent en scène des personnages jeunes, contemporains, issus de la classe moyenne, proches du public. Un peu plus tard, l’œuvre de Molière sera le couronnement de cette comédie de mœurs que Corneille a contribué à créer.

La tragédie héroïque

Corneille n’a pas inventé la tragédie. Il ne lui a pas non plus donné ses règles : au contraire, il les transgressait sans cesse. Mais il a donné à la tragédie une forme, un ton, une force, une hauteur qui ont enthousiasmé le public. Il a donné à la fois son identité et sa noblesse au genre tragique, avant que le jeune Jean Racine ne lui imprime un style un peu différent, plus musical et plus sensible à l’inassouvissement du désir. Face à lui, jusqu’à aujourd’hui, et même si c’est beaucoup réduire un auteur qui a de multiples aspects, Pierre Corneille reste l’homme de la tragédie héroïque, célébrant la puissance de la volonté.

La poésie et le mal

« La plupart des poèmes, tant anciens que modernes, demeureraient en un pitoyable état, si l’on en retranchait tout ce qui s’y rencontre de personnages méchants, ou vicieux, ou tachés de quelque faiblesse qui s’accorde mal avec la vertu. »

Au lecteur, 1663

Un auteur extraordinaire

Corneille n’a pas eu de chance : sa gloire l’a englouti sous les manuels scolaires. Quelle injustice ! Car il est l’un des auteurs les plus audacieux et les plus inventifs du XVIIe siècle. Il a écrit des comédies qui ont ouvert une voie. Il a écrit des tragédies héroïques d’un genre nouveau, puis il a su se réinventer à un âge avancé et créer des œuvres plus sombres et parfois déchirantes comme Rodogune ou Suréna. Par ses excès, ses expérimentations, sa liberté d’auteur, il y a quelque chose de romantique chez Corneille.

Corneille est un virtuose de la versification, au point que Molière a fait appel à lui pour mettre en vers sa pièce Psyché. Son écriture est claire, simple, énergique. Avec parfois, des moments tendres qui sont d’autant plus forts. Ce style est tout entier au service de situations intenses voire terrifiantes, car Corneille aime les excès : Cléopâtre ne craint pas de faire mourir ses deux fils pour nuire à une rivale, Horace tue sa sœur parce qu’elle ne comprend rien à l’honneur, Émilie veut bien coucher avec Cinna mais à condition qu’il tue Auguste. Quelles rages ! Quelle amoralité ! Mais Corneille ne juge pas. Ce qui l’intéresse, ce qui le remplit d’admiration, ce sont les êtres qui vont au bout de leur volonté, même perverse et révoltante.

 

Chamade

LÉONOR : Vous l’aimez !
L’INFANTE : Mets ta main sur mon cœur,
Et vois comme il se trouble au nom de son vainqueur,
Comme il le reconnaît.

 

Le Cid

Œuvres majeures

12 extraits à lire, à écouter et à télécharger

1634

La Veuve

Cette comédie raconte les histoires galantes assez embrouillées de quelques jeunes gens amoureux. Le jeune Corneille fait montre ici d’une légèreté, d’une élégance et d’une gaieté étonnantes !

1636

L'illusion comique

Primadant est un père trop autoritaire, et son fils s’est enfui. Plein d’inquiétude, il part à sa recherche et rencontre un mage qui lui montre une sorte de film racontant la vie de son fils depuis son départ. ..

1637

Le Cid

Chimène et Rodrigue s’aiment. Mais au cours d’une altercation, le père de Chimène gifle le père de Rodrigue. Que faire ? Rodrigue a le sang chaud et venge l’affront. Mais c’est s’exposer aux foudres de Chimène…

1640

Horace

Après l’Espagne du Cid, Corneille entame le cycle de ses tragédies « romaines ». C’est la guerre entre Rome et Albe. Horace tue Curiace, un soldat du camp d’en face. Problème : sa sœur lui était fiancée… Une tragédie qui pose ouvertement la question du fanatisme.

1641

Cinna

Émilie a du caractère, et son amoureux Cinna est un peu dépassé. Elle tient absolument à ce qu’il assassine Auguste, en passe de devenir empereur des Romains. Il fait de son mieux, mais se décourage quand Auguste lui fait de grands cadeaux.

1641

Polyeucte

Cette fois, Corneille s’intéresse au moment où l’empire romain devient chrétien. Polyeucte est un jeune homme de grand avenir politique et il fracasse tout en revendiquant sa croyance au Dieu des chrétiens…

1647

Rodogune

C’était l’œuvre que Corneille lui-même préférait à toutes. Elle raconte l’histoire d’une reine qui haïssait tellement une rivale qu’elle était prête à faire mourir ses deux enfants et elle-même pour la voir périr. Une tragédie terrible au finale haletant !

1670

Tite et Bérénice

Tite doit renoncer à sa maîtresse Bérénice s’il veut garder le trône. Le Tite de Corneille est plus indécis que celui de Racine et l’œuvre tient largement la comparaison avec celle de son confrère qui a connue une meilleure postérité.

1674

Suréna

L’une des plus belles et des plus sombres tragédies de Corneille. Au cœur du sujet  : la raison d’État, incarnée par Orode, qui s’exerce sur les individus sans tenir compte de leur vie intime, de leurs désirs et de leurs aspirations.