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La force du style

La vie de Saint-Simon

Tout commence par le père : premier duc de Saint-Simon, il se remarie après la soixantaine pour avoir un garçon qui fera subsister son titre. Louis de Rouvroy, duc de Saint Simon, notre écrivain, est le fruit de ce projet. Né en janvier 1675, il grandit assez solitaire, et s’intéresse très tôt à l’histoire. Il fréquente la cour, prend du service à l’armée, mais démissionne assez vite pour « raisons de santé ». Le roi lui en tiendra rigueur, comme aussi de sa langue et de ses prétentions nobiliaires : il ne sera jamais dans le premier cercle de la cour. Enfanté pour faire exister le duché de Saint-Simon, Louis a en effet une obsession : faire respecter les droits de ses pairs les ducs, et écraser les prétentions de ceux qui débordent le rang que leur assigne leur naissance.

Très lié avec Philippe d’Orléans, il acquiert une certaine influence politique lorsque celui-ci devient régent à la mort de Louis XIV. Mais, déçu par l’expérience du pouvoir, il se retire peu à peu du jeu, jusqu’à être mis sur la touche lorsque la régence prend fin, en 1723.

Il se retire chez lui avec sa femme, bonheur de sa vie dont il ne cessera de chanter les louanges, et ne fera plus guère que lire, et écrire son œuvre majeure, les Mémoires, qui font revivre la fin du règne de Louis XIV et la Régence. Il meurt en 1755 à quatre-vingt ans.

Sic transit...

« A la fin tout sécha, passa, et disparut. Ainsi va le cours du monde. »

 

Mémoires, Tome 6, ch. 2

Saint-Simon et son époque

Disons-le d’emblée: le monde de Saint-Simon, c’est la cour, et ce qui gravite autour : le reste, paysages, paysans, bourgeois, ne l’intéresse absolument pas. Il voit le monde avec un microscope. Mais toute sa vie, il aura déployé un prodigieux sens de l’observation. Dans ce petit monde de Versailles, quel fourmillement d’intrigues, de drames et de passions ! Menant une vie en apparence oisive mais en réalité très active, il s’attache à tout comprendre et à faire valoir ses intérêts comme il le peut. Son rêve, c’était de voir le duc de Bourgogne, petit-fils de Louis XIV, succéder à son grand-père : Saint-Simon avait une certaine influence auprès de lui et l’estimait digne du pouvoir. Las ! Le jeune homme meurt à vingt-neuf ans, quelques années avant le roi-soleil. Saint-Simon n’aura donc pas de rôle politique décisif.

Ethnographie

« La promptitude des yeux à voler partout en sondant les âmes, à la faveur de ce premier trouble de surprise et de dérangement subit, la combinaison de tout ce qu’on y remarque, (…) tout cet amas d’objets vifs et de choses si importantes, forme un plaisir à qui le sait prendre qui, tout peu solide qu’il devient, est un des plus grands dont on puisse jouir dans une cour. »

 

Tome 9, ch. 7

Sa place dans l'histoire de la littérature

Saint-Simon est un de ces rares écrivains qui n’ont jamais prétendu faire œuvre de littérature. Il veut se survivre à lui-même en tant que chroniqueur ou mémorialiste, ce qui est tout différent. Mais aujourd’hui, on ne lit pas Saint-Simon pour sa qualité d’historien. Comme souvent, comme toujours, c’est la force du style qui fait traverser les époques et trouver un public toujours renouvelé.

Saint-Simon plaisait beaucoup à Stendhal qui lui ressemble par la vivacité de son écriture. Dans l’entreprise beaucoup plus littéraire qui est la sienne, Proust doit beaucoup à Saint-Simon et le cite fréquemment dans La Recherche du temps perdu. Aujourd’hui, il demeure encore le meilleur portraitiste de notre littérature.

Epinards

« Saint-Simon et les épinards ont été mes seuls goûts durables.« 

Stendhal

Pourquoi Saint-Simon est un écrivain extraordinaire

Sans l’avoir cherché, Saint-Simon est l’un des plus grands stylistes de la littérature française. Ce qui le caractérise le mieux, c’est peut-être sa liberté et sa précision, qui lui donnent une force d’expression incomparable. Il est souvent désinvolte avec la grammaire : il veut aller vite, toucher précisément, trouver le mot propre même s’il appartient à un registre très éloigné. Il contribue à débarrasser la langue de tout ce qui l’alourdissait au siècle précédent. Exemple dans cette description d’un duel :

« Vardes, qui attendait au coin d’une rue, joint le carrosse de mon père, le frôle, le coupe : coups de fouet de son cocher, riposte de celui de mon père ; têtes aux portières, arrêtent, et pied à terre. Ils mettent l’épée à la main… »

Ou bien encore : « On fut longtemps à tâtons, et toujours sans feu, et toujours les clefs mêlées, égarées par l’égarement des valets. »

 
 
Le Père de La Chaise sur un brancard

« Les jambes ouvertes, la mémoire éteinte, le jugement affaissé, les connaissances brouillées, inconvénients étranges pour un confesseur, rien ne rebuta le roi, et jusqu’à la fin il se fit apporter le cadavre et dépêcha avec lui les affaires accoutumées. »

Tome 7 ch. 4

Œuvres principales - Extraits

Tous les textes sont issus des Mémoires, édition Chéruel de 1856.

Portraits salés

Anecdotes piquantes